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La CNV

La CNV est l’acronyme de Communication Non Violente qui a été inventée par Marshall Rosenberg et dont l’ouvrage fondamental s’intitule joliment les mots sont des fenêtres.

C’est une technique simple pour apprendre à communiquer que je trouve très très pratique car elle est simple, en tout cas en apparence. Elle comporte 4 étapes qui sont reprises dans la slide ci-dessous. Ces 4 étapes sont très simples et très efficaces. Elles sont assez challengeantes car elles demandes à être clair à la fois sur ses sentiments, ses demandes, donc ses désirs. En situation de crise cela m’a demandé des années pour arriver à la pratiquer et encore très imparfaitement.

Cette méthode qui a été utilisé par exemple pour faciliter des dialogues israelo-palestinien m’a beaucoup inspiré pour définir les ingrédients de la régulation antifragile.

Mon associé Thibault Vignes s’est basé sur les travaux de Marshall Rosenberg pour sélectionner les mots décrivant l’état d’esprit de son outil FAST (Flow Analysis For Team).

Conversation convexe ou concave ?

Cette conversation est-elle concave ?

Vous pouvez vous demander à bon escient qu’est-ce qui se cache derrière ce vocabulaire mathématique. Malgré son côté un peu ésotérique, le concept est intéressant car directement lié à l’anti fragilité. Il vient directement de la formation que j’ai suivi avec Nassim Taleb. Je n’ai fait qu’appliquer sa manière de penser à mon métier, la conversation en organisation (si possible impliquant des dirigeants).

Pour mieux le comprendre commençons par une illustration simple. Les deux dessins que nous allons utiliser représentent les bénéfices de la conversation. Si la fonction est sous l’axe horizontal, la conversation crée des dégâts (harm en anglais). Si elle est au-dessus de l’axe, la conversation est positive, elle « ressource ».

Le graphe de gauche illustre par exemple une escalade entre deux personnes qui en ont gros sur le cœur. Celle de droite ressemble plus à un rendez-vous attendu chez son coach préféré !

Pourquoi concave ?

Plus que de vérifier si la conversation est positive ou négative il faut étudier comment elle évolue. En effet si j’ai une chose difficile à dire, je vais au début faire des dégâts, mais si on sort réconciliés alors cela aura valu le coup. La fonction de la conversation ressemblera alors à ça :

Sur cette représentation on voit que si la fonction démarre « négative » (la franchise douloureuse) elle va toujours en s’améliorant pour finir très positivement. Je vous épargne définitions et démonstrations mais en mathématiques on dit que si « elle s’améliore toujours » une fonction est convexe[1].

Si on ne regarde que le signe de la fonction (« est-ce que la conversation est douloureuse «  ) alors nous éviterons soigneusement de rentrer dans certaines conversations « franches et douloureuses » ce qui se révèle très, très contre-productif. Cela conduit à des accidents tragiques dans les avions comme je le décris ici, cela contredit les 3 lignes de conduite, cela va à l’encontre de toutes les métarègles mises en évidence par Christian Morel. . En bref ça craint.

Intérêt de la concavité par rapport à la négativité

Donc il faut pouvoir rentrer dans une discussion « négative » en cherchant à en sortir mieux que nous y sommes rentrés. C’est là que la question de la concavité rentre en jeu. « Est-ce que cette conversation est concave ? » revient à chercher à savoir si le mal augmente avec le temps où s’il diminue. Est-ce qu’au fur et à mesure de la conversation on « sent »[2] que les protagonistes avancent ? Pour mesurer cet avancement l’on peut se poser des questions du genre :

  • Est-ce que j’ai l’impression qu’ils sont de plus en plus sincères ?
  • Est-ce que celui qui reçoit la franchise accuse réception, semble en capacité de la recevoir, de faire quelque chose avec ce qu’on lui dit?
  • Est-ce que l’ambiance est de plus en plus électrique ou de plus en plus apaisée ?

Toutes ces questions sont utiles pour suivre la conversation. Car une bonne règle consiste à arrêter les conversations concaves car plus on les prolonge plus on fait de mal et on n’en sortira pas grandit.

Le retournement

Bien entendu il existe des conversations de cette forme :

C’est-à-dire qui se retournent à un moment, qui étaient concaves et deviennent convexes. Cela demande qu’au moins un des participants prenne conscience de quelque chose le concernant. L’exemple le plus simple c’est quand j’ai commis une erreur sans m’en rendre compte. En ce qui me concerne cela m’arrive quand je suis trop définitif dans mes jugements. Dans toute la première phase je vais défendre mon point de vue puis je prends conscience que j’ai merdé, et ensuite je deviens réceptif et la conversation devient rapidement positive.

Quel rapport avec l’anti fragilité ?

On voit assez bien que toute conversation convexe permet de ressortir mieux qu’on y rentre pourvu qu’on y reste suffisamment. Ces conversations sont donc antifragiles. Il existe même un théorème de Taleb-Douady (publié avec Raphaël Douady [3]) qui lie directement l’anti fragilité à la convexité. J’avoue qu’à l’heure d’aujourd’hui (septembre 2018) je ne comprends toujours pas la démonstration, en revanche je l’applique souvent et il marche aussi bien que le théorème de Thalès.

Comment mener une régulation antifragile ?

On voit assez bien la puissance du concept en détection, pour analyser une conversation. Mais quid de l’action ? comment mener une conversation qui soit antifragile  ? J’ai identifié 5 ingrédients qui permettent de contribuer à l’antifragilité d’une conversation difficile que je présente dans le post suivant : Régulation antifragile

 

[1] Techniquement on dit que sa dérivée seconde est positive. Pour ceux que cela intéresse voir l’article de Wikipédia très clair : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_convexe

[2] J’aimerais proposer une métrique plus mesurable mais je suis contraint de m’en remettre au feeling.

[3] https://arxiv.org/pdf/1208.1189.pdf

Face Nord

Dans un séminaire émotionnellement compliqué qui va déboucher sur une régulation attendue, comme en montagne une fois qu’on a déterminé avec une équipe l’objectif (le sommet) il faut se poser la question de la voie pour y arriver. Dans la plupart des cas il existe une voie difficile qui consiste à prendre les problèmes de front, tout de suite, sans précaution relationnelle. C’est la face Nord. Par exemple celle qui consiste à ce que le patron dise d’emblée «  sa façon de penser » à son équipe dont il n’est pas satisfait. C’est courageux de passer par la face Nord, mais comme en montagne on n’est pas sûr d’arriver au sommet pour autant.

Si en début de séminaire on explicite ce petit modèle en leur proposant de prendre la face Sud, l’on va grandement faciliter la progression.

L’heuristique est la suivante : pour qu’un groupe puisse affronter la réalité en face il faut vérifier avec lui par quelle face on le fait monter : la face Nord pique, est glissante et parfois bouchée.la face sud arrive plus lentement au même endroit.

L’idée de départ m’a été donnée par Pierre Menant éminent consultant et brillant sociologue des organisations (même s’il s’en défend). Nous l’avons assez reprise à notre compte avec mes associés lors des designs d’atelier car l’image fonctionne très bien. Puis je me suis rendu compte que pour suivre la progression d’un séminaire de régulation, c’était très efficace.

Pour les sujets qui demandent du courage, un peu par bravade mais aussi pour se donner du courage, nous avons le réflexe de vouloir aborder le problème de front, par la face Nord. En faisant cela on risque fort, si on va trop vite, de braquer les participants et donc de compromettre l’ouverture et la discussion.

Sur le dessin ci-dessous on voit que les personnes ont signé au 2e jour du séminaire là où elles pensaient que nous en étions par rapport au sommet.

Antifragilité : lorsqu’il y a plusieurs voies pour aborder un sujet, se demander avec le groupe si l’on ne passe par la face Nord permet que si on glisse, dérape ou l’on se trompe l’on puisse ensemble prendre un autre chemin sans trop de dommage. On a désamorcé le problème que c’est de se faire un peu mal. Le problème est utilisé comme un indicateur de progression ce qui permet de le passer plus facilement.

Cette heuristique a plusieurs avantages :

  •  Elle permet de co-piloter avec le groupe la difficulté des discussions, ce qui est sécurisant,
  •  Elle dégonfle le problème que c’est d’avoir des problèmes en en faisant un objet de travail,
  •  Elle permet d’évaluer régulièrement lors du séminaire la progression par une question du type « à votre avis on est où sur cette image ? »  ce qui aide à avoir du courage
  •  Elle est déculpabilisante, tout le monde sait que les courses en montagne sont difficiles, comme les régulations. Sauf qu’une régulation on imagine qu’on est pas assez « courageux pour parler », qu’on devrait être mieux ou je ne sais quoi. Alors qu’une régulation c’est compliqué, dur et pénible (voir les règles de régulation antifragile)