Les Frameworks sont des grilles d’analyse, majoritairement issus de travaux reconnus et validés par l’expérience qui servent à faire des diagnostic. Il est fondamental de séparer le fond (les framework) de la manière de faire les diagnostic (la forme) d’où la distinction structurelle faite ici.

Les 6 types de structure d’organisation selon Mintzberg

Dans un projet de transfo beaucoup de questions se posent sur l’organisation. Notre structure d’organisation est-elle la bonne ? Notre culture est-elle adaptée ?La tentation vient vite de vouloir tout changer, de vouloir conformer la culture à nos préférence, de ne voir que le revers de la médaille en oubliant sa face, le côté positif de ce qui nous agace dans une culture d’entreprise.

Pour aider les équipes à réfléchir sur ces sujets j’aime utiliser le canevas de Mintzberg sur les 6 types d’organisations car il repose sur une idée clef et une vision saine.

L’idée clef pour Mintzberg c’est qu’une structure d’organisation est conditionnée (structure n’est pas organisation, voir l’article qui rendit célèbre Tom Peters) par la représentation, la culture. Pour lui ce qui dans la culture conditionne la structure c’est le mode de coordination qui est utilisé par l’organisation. Chaque type de structure correspond à un mode de coordination, donc a une culture. Ainsi :

  1. Si une organisation se coordonne pas la « supervision » c’est-à-dire un mode de management où le chef décide et coordonne, cela donne une structure relativement plate de type entrepreneur (charismatique pour Weber). Exemple type, la PME locale.
  2. Si c’est la standardisation du travail qui permet la coordination, alors la structure sera pyramidale, hiérarchique mais sans excès, exemple type l’armée de terre française.
  3. Si c’est la standardisation des qualifications, la structure sera plus plate, en espèce de râteau, typiquement une administration française.
  4. Si c’est par la standardisation des résultats que la coordination s’effectue on retrouvera la structure divisionnaire qui fit le succès de McKinsey dans les années 70, ou chaque division d’un groupe est dirigée par un chef tout puissant, qui fait ce qu’il veut du moment qu’il rapporte les résultats. Typiquement un groupe comme Elior a longtemps été organisé ainsi.
  5. La structure matricielle demande elle un ajustement mutuel pour se coordonner, une régulation entre des objectifs contradictoires. La plupart des grandes organisations sont aujourd’hui matricielles spécialement dans les produits de grandes consommations.
  6. La structure « missionnaire » assez floue, voire totalement floue, se coordonne par les valeurs C’est le propre des structures mouvantes qui se mobilisent pour des causes, comme les manifestants altermondialistes par exemples. Ils n’ont pas de chefs à proprement parler, ni de structure.

 

C’est souvent parce qu’une nouvelle structure est plaquée sans qu’on prenne garde à changer son mode de coordination que des problèmes, des incompréhensions naissent dans les structures.

Je trouve sa pensée saine car plutôt que de préférer une structure plutôt qu’une autre, une culture plutôt qu’une autre, il tente de mettre à plat les côtés positifs et les revers de chaque structure et qu’il fait le lien, génial à mon avis, entre structure et type de coordination. Cet écart explique quasiment touts les problèmes que j’ai pu rencontrer.

Par exemple le cas particulier des structures matricielles a fait couleur beaucoup d’encre, notamment de persones qui n’aiment pas le conflit car les structures matricielles créent par nature du conflit, de l’ajustement dit Mintzberg, de la coopération dit Morieux. Sur ce sujet voir la superbe interview de Yves Morieux dans les echos : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0600928296818-les-entreprises-adoptent-des-organisations-de-moins-en-moins-efficaces-2254570.php#xtor=CS1-33

 

Pré-requis :

Pour plus d’information, lire le livre de Mintzberg présenté ici.

Fonctionnement équipe

La question « aidez-nous à améliorer le fonctionnement de notre équipe » revient comme un classique de l’accompagnement d’équipe. Plusieurs manières de répondre à cette question existent comme faire un diagnostic externe, la repousser comme non pertinente ou proposer à l’équipe de faire son propre diagnostic. Pour cela l’équipe a intérêt à se construire une image commune de son fonctionnement afin de pouvoir partager sur le sujet.

Pour se construire cette image j’ai élaboré au fil des interventions un canevas à 6 dimensions. Initialement il vient de la gestion de projet et plus spécialement des travaux du club de Montréal sur le sujet. Si sa théorie et ses origines vous intéressent je les décris dans l’article ici.

J’ai beaucoup tourné sur ce canevas, je suis passé de 5 à 6 à 9 dimensions pour finalement revenir à ces 6 là.

Ces dimensions concernent l’équipe dans son entier, pas uniquement ses réunions. Elles sont classées dans un ordre descendant : si j’ai un problème dans une dimension, je peux aller chercher des racines, des sources, des origines dans un des dimensions du dessus. Par exemple si une équipe expérimente un chaos complet en réunion (dimension instances), cela peut être parce qu’elle n’a pas d’objectifs clairs ou de responsabilités clairement définies.

Les 6 dimensions

Voici une description succincte des 6 dimensions qui se comprennent généralement assez rapidement.

  1. Objectifs : Les objectifs que l’équipe poursuit à court et à moyen terme. Il ne s’agit pas de la vision, des objectifs longs termes, mais bien des objectifs courts et moyen terme car d’expérience ce sont ceux-là qui souvent crée des malentendus. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander : Sont-ils clairs ? Formalisés ? Partagés par tous ? Rappelés régulièrement ? Pertinents ? Régulièrement revus ?
  2. Responsabilités : la répartition des responsabilités au sein de l’équipe et autonomie pour les exercer. En clair c’est l’exercice réel des responsabilités par chacun, à la fois dans la définition et aussi dans la pratique. L’autonomie pour les exercer fonctionne dans les deux sens : souvent les membres d’une équipe se plaignent du manque d’autonomie qu’on leur laisse, mais souvent aussi les patrons se plaignent du manque d’autonomie prise par leurs équipes. Et parfois certaines équipes manquent de cadre, vivent une trop grande autonomie. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander La répartition des responsabilités entre nous est-elle claire, assumé et cohérente ? L’autonomie, la marge de manœuvre dont chacun dispose est-elle ajustée à ses responsabilités ?
  3. Instances : ce sont les différents formats de réunions qui rassemblent tout ou partie de l’équipe. Cela comprend le format (durée), la fréquence, les objectifs et la composition (membres) des réunions. Pour raffinier l’on peut se demander si les instances Sont adaptés ? Suivis ? Cohérents ? Parfois les équipes ont trop d’instances, d’autres fois elles en manquent alors certaines réunions servent à plusieurs choses. Les membres ne savent alors plus sur quel objectif se caler. Parfois les réunions s’éternisent, sont trop longues, d’autres fois, surtout pour des réunions stratégiques, l’on manque toujours de temps.
  4. Méthodes : cette dimension prête souvent à confusion, il s’agit de la manière dont nous abordons un sujet, une question, un problème, une décision. C’est le pur processus au sens de Lehnardt (voir ici). Pour mieux cerner la dimension il est très utile de se demander : Existe-t-il une ou des méthodes pour traiter des différents sujets ? Sont-elles implicites ou explicites ? Sont-elles suivies ? La plupart des équipes que je rencontre appliquent des méthodes de travail implicitement et donc parfois les méthodes utilisées ne sont pas adaptées au sujet. D’autres fois tout le monde n’a pas compris ce que l’on était en train de faire. D’autres fois enfin le patron propose des méthodes qu’il ne respecte pas lui-même, invalidant ainsi toute discipline.
  5. Climat: Idem, cette dimension prête souvent à confusion. Il s’agit du climat relationnel des échanges. Ce climat peut varier d’autant que chaque culture d’entreprise, chaque équipe, chaque personne peut avoir des préférences différentes de climat relationnel. Pour bien évaluer le climat il est fondamental de se poser les questions suivantes : le climat relationnel est-il suffisamment bon pour que les échanges soient productifs ? En particulier est-il possible de parler vrai lorsqu’il faut aborder un problème ? Ce parler vrai nécessite-t-il un groupe restreint ? j’insiste beaucoup sur le parler vrai, cher au CEE, car il apparaît fondamental dans la performance d’une équipe bien plus que le climat de confiance ou de bienveillance. L’équipe la plus performante que j’ai connu était relationnellement très dure à vivre, mais tout ce qui était important à la réussite du business se disait.
  6. Livrables : cette dimension est très simple. Il s’agit de Ce que les réunions produisent, que ce soit des décisions, des plans d’actions, de l’échange, de l’alignement ou rien. Pour la santé de l’équipe à long terme il faut que les réunions servent à quelque chose. L’on peut donc se poser des questions du type : Nos réunions sont-elles productives ? En termes de décisions ? D’échanges ? Existe-t-il des comptes-rendus ? Sont-ils utilisés ? Lorsque les livrables pêchent très très souvent la cause vient de plus « haut » dans la liste.

Attention : un comité de direction est souvent attendu pour être un lieu de décision alors que les décisions appartiennent par la voie légale au seul dirigeant. Parfois ce sont des lieux d’informations, d’enrichissement, de débats pour instruction. Les livrables attendus ne sont pas des évidences.

Les deux premières dimensions sont de l’ordre du « sens », les deux suivantes du « comment » et les deux dernières du « quoi ».

Ce canevas se prête à plusieurs protocoles de discussions collectives.

Business Model Fuel

Un canevas pour décrire notre modèle économique

Ce canevas a 9 cases et il est relativement célèbre, beaucoup plus célèbre que ses auteurs, Yves Pigneur (Professeur à l’IMD) et Alex Ostwalder (un de ses anciens élèves) qui en sont à l’origine. Leur société, Strategyzer, a accompagné quelques changement de modèle emblématique (Hilti, la division Camion de Michelin) et prodigue cours on-line et présentiel pour apprendre à jouer avec le canevas. Ils ont, de mon point de vue, un énorme talent de simplicité « essentialiste » : comment aller à l’essentiel en très peu de mots. D’ailleurs quand on y pense décrire un business model en 9 cases, c’est en soi un exploit !

A quoi sert un tel canevas ?

  • Avoir un langage commun pour discuter d’un business, l’analyser, le comparer avec d’autres.
  • Modéliser simplement une idée de business en englobant toutes ses composantes.
  • Discuter, échanger, chercher ensemble.

C’est donc un outil idéal pour élaborer un diagnostic collectif ou explorer ensemble de nouvelles idées de business. Nous l’avons utiliser à plusieurs reprises avec mes associés LBP, pour nos clients et pour nous même.

Une vidéo pour comprendre

Quelques exemples

Comment le décrire ?

il faut une trame, un feutre et des post-it.

More ressources

Le livre de référence : Business Model Nouvelle Génération : Un guide pour visionnaires, révolutionnaires et challengers (le lien pointe sur amazon.fr )

Six épisode de courtes vidéos pour expliquer le chemin :

Episode 1 : le canevas : https://www.youtube.com/watch?v=wwShFsSFb-Y&t=13s (en anglais)

Episode 2 : Visualiser votre business modèle : https://www.youtube.com/watch?v=wlKP-BaC0jA (en anglais sous-titrés)

Episode 3 : Prototype : https://www.youtube.com/watch?v=iA5MVUNkSkM&t=26s (en anglais)

Episode 4 : Aller voir votre environnement : https://www.youtube.com/watch?v=7O36YBn9x_4&t=18s

Episode 5 : La preuve : https://www.youtube.com/watch?v=-2gd_vhNYT4&t=7s

Episode 6 : raconter votre histoire https://www.youtube.com/watch?v=SshglHDKQCc

 

Fonctionnement managérial

Utilité du framework

Ce framework est une synthèse entre les travaux de Vincent Lehanrdt et Simon Sinek. Sinek présente magnifiquement le sens avec ses trois cercles concentriques que l’on peut résumer ainsi :

 

Le framework

Le génie de Vincent de mon point de vue consiste à avoir fait un lien entre les 3 niveaux Quoi, Comment, Pourquoi et 3 identités managériales distinctes. Pour lui celui qui se centre sur le quoi est un expert, profondément identitairement, c’est-à-dire que c’est ce qui l’aide à se définir lui-même, c’est très profond, son image intérieure de lui-même. Celui qui se centre sur le comment un manager et celui qui se centre sur le pourquoi un leader.

Il le représente de la manière suivante :


J’ai observé que le passage d’un niveau à un autre était bien, comme il le dit, un changement d’identité, c’est-à-dire un changement de la manière dont un responsable se voit lui-même. C’est donc un changement difficile qui est très facilité par un coaching individuel.

En revanche en présentant cette grille de lecture j’ai toujours été ennuyé par le côté « progression » : plus on monte dans la description mieux c’est, ce qui tombe bien car cela correspond à l’échelle hiérarchique. Or j’ai constaté que les bons patrons sont capables de faire des allers/retours entre ces niveaux, d’être très expert de manière très approprié dans certaine situation (négocier un deal de M&A) et le lendemain très dans le Pourquoi (dans le discours d’introduction d’une convention).

Le leadership un enjeu de transformation personnelle

Aujourd’hui je la présente de la manière suivante : le fond vient de Vincent et la forme de Sinek:

Les avantages de présenter des cercles concentriques

Cette manière que Sinek a de présenter avec des cercles concentriques permet de sortir de cette idée de progression à sens unique. C’est très puissant car cela implique plus facilement qu’il ne s’agit pas de rester dans un cercle mais bien de faire des allers/retours alors qu’avec la présentation de Vincent beaucoup comprenaient qu’un leader ne fait Que donner le sens ce qui contredit toutes mes observations.

Ce que je vois ce sont des leaders qui donnent et redonnent le sens, qui motivent toute l’organisation lorsqu’ils arrivent à formuler un sens collectif réel. Mais aussi des leaders qui managent les détails d’un séminaire, qui challengent des chiffres en bons experts…. Et qui ont bien raison de le faire.

Vous aurez compris je suis contre le fait vouloir cantonner les leaders au niveau du sens tout simplement car je pense que ce n’est pas réaliste. Preuve en est que Steve Jobs, un des exemples emblématiques de Sinek contrôlait tous les détails (j’ai même l’impression, sans doute fausse, que depuis sa disparition les produits Apple buggent plus).

Et les équipes

Autre coup de génie de Vincent : les équipes. Il a observé que les équipes, en fonction de leur centration, n’avait pas le même comportement.

  • Ainsi les équipes focalisées sur le « quoi », généralement la techniques, les détails, apparaissent comme des collections d’individus sans cohésion
  • Les équipes focalisées sur le « comment » elles sont préoccupé par le process, comment les choses se déroulent et apparaissent généralement comme des groupes solidaires, au prix parfois de la performance, de la vérité ou du reste de l’organisation
  • C’est la focalisation sur le « sens » qui permet aux équipes de devenir performante, c’est-à-dire de dépasser à la fois les avis individuels et le confort de l’unanimité.

Je suis très sceptique sur les modèles d’équipes, par exemple sur celui de Schutz (qui pourtant fonctionne très bien à d’autres niveaux). Force m’est d’avouer que ce modèle de Vincent a toujours fonctionné dans la vraie vie. Cela complète ainsi le graphique précédente de la manière suivante :

Le diagnostic…

Sur le graphique précédent l’on peut positionner, comme je l’ai fait arbitrairement l’équipe et le patron; c’est une analyse intéressante en soi mais qui l’est beaucoup plus lorsqu’on réalise en équipe un diagnostic de fonctionnement. Pour voir comment s’y prendre, c’est une autre histoire…

Conversation convexe ou concave ?

Cette conversation est-elle concave ?

Vous pouvez vous demander à bon escient qu’est-ce qui se cache derrière ce vocabulaire mathématique. Malgré son côté un peu ésotérique, le concept est intéressant car directement lié à l’anti fragilité. Il vient directement de la formation que j’ai suivi avec Nassim Taleb. Je n’ai fait qu’appliquer sa manière de penser à mon métier, la conversation en organisation (si possible impliquant des dirigeants).

Pour mieux le comprendre commençons par une illustration simple. Les deux dessins que nous allons utiliser représentent les bénéfices de la conversation. Si la fonction est sous l’axe horizontal, la conversation crée des dégâts (harm en anglais). Si elle est au-dessus de l’axe, la conversation est positive, elle « ressource ».

Le graphe de gauche illustre par exemple une escalade entre deux personnes qui en ont gros sur le cœur. Celle de droite ressemble plus à un rendez-vous attendu chez son coach préféré !

Pourquoi concave ?

Plus que de vérifier si la conversation est positive ou négative il faut étudier comment elle évolue. En effet si j’ai une chose difficile à dire, je vais au début faire des dégâts, mais si on sort réconciliés alors cela aura valu le coup. La fonction de la conversation ressemblera alors à ça :

Sur cette représentation on voit que si la fonction démarre « négative » (la franchise douloureuse) elle va toujours en s’améliorant pour finir très positivement. Je vous épargne définitions et démonstrations mais en mathématiques on dit que si « elle s’améliore toujours » une fonction est convexe[1].

Si on ne regarde que le signe de la fonction (« est-ce que la conversation est douloureuse «  ) alors nous éviterons soigneusement de rentrer dans certaines conversations « franches et douloureuses » ce qui se révèle très, très contre-productif. Cela conduit à des accidents tragiques dans les avions comme je le décris ici, cela contredit les 3 lignes de conduite, cela va à l’encontre de toutes les métarègles mises en évidence par Christian Morel. . En bref ça craint.

Intérêt de la concavité par rapport à la négativité

Donc il faut pouvoir rentrer dans une discussion « négative » en cherchant à en sortir mieux que nous y sommes rentrés. C’est là que la question de la concavité rentre en jeu. « Est-ce que cette conversation est concave ? » revient à chercher à savoir si le mal augmente avec le temps où s’il diminue. Est-ce qu’au fur et à mesure de la conversation on « sent »[2] que les protagonistes avancent ? Pour mesurer cet avancement l’on peut se poser des questions du genre :

  • Est-ce que j’ai l’impression qu’ils sont de plus en plus sincères ?
  • Est-ce que celui qui reçoit la franchise accuse réception, semble en capacité de la recevoir, de faire quelque chose avec ce qu’on lui dit?
  • Est-ce que l’ambiance est de plus en plus électrique ou de plus en plus apaisée ?

Toutes ces questions sont utiles pour suivre la conversation. Car une bonne règle consiste à arrêter les conversations concaves car plus on les prolonge plus on fait de mal et on n’en sortira pas grandit.

Le retournement

Bien entendu il existe des conversations de cette forme :

C’est-à-dire qui se retournent à un moment, qui étaient concaves et deviennent convexes. Cela demande qu’au moins un des participants prenne conscience de quelque chose le concernant. L’exemple le plus simple c’est quand j’ai commis une erreur sans m’en rendre compte. En ce qui me concerne cela m’arrive quand je suis trop définitif dans mes jugements. Dans toute la première phase je vais défendre mon point de vue puis je prends conscience que j’ai merdé, et ensuite je deviens réceptif et la conversation devient rapidement positive.

Quel rapport avec l’anti fragilité ?

On voit assez bien que toute conversation convexe permet de ressortir mieux qu’on y rentre pourvu qu’on y reste suffisamment. Ces conversations sont donc antifragiles. Il existe même un théorème de Taleb-Douady (publié avec Raphaël Douady [3]) qui lie directement l’anti fragilité à la convexité. J’avoue qu’à l’heure d’aujourd’hui (septembre 2018) je ne comprends toujours pas la démonstration, en revanche je l’applique souvent et il marche aussi bien que le théorème de Thalès.

Comment mener une régulation antifragile ?

On voit assez bien la puissance du concept en détection, pour analyser une conversation. Mais quid de l’action ? comment mener une conversation qui soit antifragile  ? J’ai identifié 5 ingrédients qui permettent de contribuer à l’antifragilité d’une conversation difficile que je présente dans le post suivant : Régulation antifragile

 

[1] Techniquement on dit que sa dérivée seconde est positive. Pour ceux que cela intéresse voir l’article de Wikipédia très clair : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_convexe

[2] J’aimerais proposer une métrique plus mesurable mais je suis contraint de m’en remettre au feeling.

[3] https://arxiv.org/pdf/1208.1189.pdf

Les zones d’intervention

Ce concept clef vient de Vincent Lehnardt et est utilisé initialement en coaching. Il est très utile dans un projet de transfo car il donne une grille pour analyser « où est le problème » ? Lorsqu’un acteur parle avec émotion d’un problème qu’il rencontre, pour comprendre l’information qui se cache sous l’émotion, il peut être très utile d’utiliser cette grille. C’est donc une grille de base de l’antifragilité.

Elle a un fort pouvoir déconfusionnant au sens ou elle permet de distinguer ce qui relève des faits, des acteurs et ce qui concerne leur « rapport à ». Le « rapport à » est un concept de psychosociologie qui désigne de façon un peu précieuse la manière dont une personne voit les choses. Cette manière de voir les choses, ce « rapport à », conditionne les émotions qu’ils vont ressentir face à une même situation. Comme c’est une relation d’équivalence, si l’on observe une émotion face à une situation cela éclaire sur le « rapport à ».

Sur ce schéma par exemple le rapport du champion au problème est la zone 8 alors que le problème se situe dans la zone 6.

Donc pour utiliser la grille, lorsque j’écoute un client parler d’un problème, cela m’aide à identifier où se situe l’énergie. Pour prendre un exemple que l’on retrouve dans beaucoup de projets de transfo, lorsqu’un responsable se plaint du fait que « ils devraient se comporter de manière plus responsable et prendre en compte ces contraintes », il s’agit d’écouter attentivement la personne pour savoir si ce qu’elle déplore  c’est :

  • un des comportements justement à faire évoluer, auquel cas on peut l’aider à passer sa frustration que le projet n’aille pas assez vite,
  • sa préférence de comportement, auquel cas le consultant peut soit se taire, soit l’aider à éclairer ou questionner sa préférence,
  • un espoir illusoire qu’il existe un monde où un leader n’aurait pas à prendre en charge ses adjoints, auquel cas vous pouvez soit compatir, soit dénoncer (mais je déconseille car sans contrat de coaching individuel c’est vraiment face Nord), soit vous taire,
  • où réellement les personnes dont elles parlent doivent vraiment évoluer et donc être formées par exemple. Auquel cas il faut chercher à cerner la conscience qu’elles ont du problème, comment il se manifeste concrètement….

Le sociogramme

Le sociogramme vise à mieux comprendre le contexte de travail d’une population donnée en étudiant ses interactions avec les autres populations. Ce que nous cherchons à comprendre c’est la nature de la coopération en se basant sur la splendide idée de CrozierMorieuxDupuy  comme quoi une organisation est faite pour la coopération.

Quand on y pense deux minutes c’est évident : pourquoi toutes ces personnes ont-elles décidé de se voir tous les jours si ce n’est parce qu’en coopérant elles pourront faire quelque chose qu’elles ne peuvent faire seules.

La mise en graphique est relativement simple : on met l’acteur de la population concernée au centre et on trace toutes les relations qu’il a avec d’autres populations, sans tenir compte de l’organigramme. Sur l’image ci-dessous on voit l’application du sociogramme au cas Interlodge isssu de Smart Simplicity, l’ouvrage de référence de Yves Morieux et Peter Tollman. On retrouvera une description complète de ce cas dans la vidéo qui se trouve sur l’article de diagnostic de population.

Ensuite une fois ceci fait on colore les relations entre les acteurs afin de montrer qui s’entend bien avec qui.

Dans ce graphique nous avons utiliser le code couleur du baromètre : en vert les relations qui sont « bonnes » et en rouge les relations qui sont « mauvaises ». Il y a plusieurs lignes car les relations sont qualifiées dans les deux sens : parfois A s’entend bien avec B mais B ne peut pas supporter A. L’homme est ainsi fait…

Attention à l’interprétation il ne faut pas oublier qu’on cherche à comprendre la nature de la coopération, pas des relations.

  1. Ainsi une mauvaise relation pourra être le signe d’une coopération ou d’un problème. Dans le graphique ci-dessus par exemple BT ne s’entend pas avec GR mais ils coopèrent. C’est dur, donc la relation est rouge, mais ils coopèrent. Alors qu’avec RM ils n’arrivent plus à travailler ensemble. Donc ils ne coopèrent plus ce qui bloque l’organisation.
  2. Une bonne relation pourra être le signe d’une bonne collaboration (BT et FW dans le graphique à ou d’un évitement convivial (AG BT). Dans l’évitement on s’entend bien mais uniquement parce qu’on évite d’aborder les problèmes évitant ainsi de s’engueuler pour les résoudre.

Donc attention dans l’interprétation du graphique, avoir la « couleur » de la relation ne suffit pas : il faut bien comprendre le contexte. En l’occurrence dans le cas présenté, le simple fait de distinguer relation et coopération a beaucoup aidé les personnes à mieux vivre leur travail et de ce fait à résoudre le problème posé.

Il y a deux grandes manières de faire cette analyse, une première au niveau 2 des diagnostics collectifs et une seconde au niveau 5 .

  • Au niveau 2 c’est le consultant qui fait l’analyse au vu des observations. C’est ce qui est montré dans la première photo (Interlodge) et dans l’ébauche de cas ci-dessus. Cette méthode est plus rapide sur le plan du fond mais moins transformante sur le plan de la forme.
  • Au niveau 5, la forme devient plus transformante : on demande aux participants de faire leur propre analyse de leurs relations en les qualifiant (par exemple en notant de 1 à 10 ou de vert à rouge). Cette manière de faire demande de réunir un échantillon de la population. L’avantage c’est que les personnes présentes vont réagir aux propos les uns des autres et ainsi donner une compréhension plus riche du contexte. Cerise sur le gâteau, elles prendront conscience de choses qui les aideront à mieux vivre la situation.

De manière simplifié le protocole pour faire un sociogramme de niveau 5

  1. On commence par demander aux participants de faire l’inventaire des fonctions avec qui ils sont en relations, par exemple en écrivant sur des post-its
  2. Puis le consultant crée des clusters, des paquets, de fonctions qui sont similaires, qu’il peut regrouper comme sur le graphique précédent. Il peut aussi écrire de nouveaux post-its de synthèse. J’ai une préférence pour la clusterisation, car les participants gardent ainsi sous les yeux leur production, pas celle du consultant.
  3. Une fois clusterisées les relations, on demande aux participants de les qualifier en les notant ou comme dans le dessin ci-dessous à l’aide du baromètre qui va permettre aux participants de color-coder leurs relations (vert super, rouge horrible).
  4. Enfin, le consultant fait une moyenne des qualifications et vérifie avec le groupe que cette moyenne a bien un sens. Cette vérification révèlera à coup sûr des éléments très précieux du contexte.
  5. Ensuite généralement, on passe à l’ERC

ERC – Enjeux Ressources Contraintes

Comme le sociogramme l’ERC vise à mieux comprendre le contexte de travail d’une population donnée en étudiant cette fois le trio Enjeux – Ressources – Contraintes de la population. Ce que nous cherchons à comprendre c’est la nature de ce qui génère les comportements, ce que Crozier  appelle la stratégie des acteurs.

« On appellera « ressource » ce que l’acteur peut mobiliser pour résoudre un problème; on qualifiera de « contrainte » ce qu’il doit affronter. Il en résulte qu’un acteur n’a pas de contraintes ou de ressources arbitraires : il n’en a que par rapport à ce qu’il cherche à obtenir [c’est-à-dire ses enjeux]. » François Dupuy in Sociologie du changement 

« Le comportement est la solution que les gens trouvent pour atteindre leurs objectifs [Enjeux], résoudre leurs problèmes compte tenu des ressources et des contraintes qu’ils rencontrent dans leurs situations de travail. En ce sens, les comportements doivent être traités comme des stratégies rationnelles. […] si ils avaient une meilleure solution ils auraient agi autrement » Yves Morieux in Smart simplicity 

 

La mise en graphique est relativement simple : on met l’acteur de la population concernée au centre et on trace un triangle avec les enjeux en haut (le but) les ressources à gauche et les contraintes à droite. Sur l’image ci-dessous on voit l’application de l’ERC au cas Interlodge base de Smart Simplicity .(ce cas est décrit en vidéo dans l’article Chasse aux bonnes raisons qui présente le protocole complet de diagnostic d’une population)

Ensuite une fois ceci fait on chercher à expliquer les comportements à partir ce qui a été trouvé comme enjeux ressources et contraintes. Ainsi sur le même exemple voici ce que cela donne :

Attention à l’interprétation : à ce stade ce ne sont que des hypothèses qui doivent être vérifiée avec les personnes concernées.

Comme pour le sociogramme  Il y a deux grandes manières de le faire, au niveau 2 ou au niveau 5 des diagnostics collectifs.

  • Au niveau 2 c’est le consultant qui fait l’analyse au vu des observations, donc à ce niveau il faut faire très très attention et aller tester ses hypothèses plutôt deux fois qu’une.
  • Au contraire au niveau 5 comme on demande aux participants de faire leur propre analyse celle-ci a déjà subit le stress-test.

Pour faire un ERC de niveau 5 on procède de la même manière que pour le sociogramme par l’inventaire puis le regroupement.

Puis une fois qu’on a clustérisé les ERC on peut jouer avec les hypothèses d’interprétations. Lorsqu’on tombe juste on le sens, car une partie des participants le disent (et une partie reste bouche bée). On applique ici l’heuristique du principe de Dupuy : une organisation a besoin qu’on lui dise ce que l’on a entendu.

Ici on voit dans l’exemple que nous avons utilisé un code-couleur de type baromètre , mais ce n’est pas utile d’entrer dans le détail ici car cela complique l’affaire (il faut des consignes spécifiques et une reclusterisation confrontative qui n’est pas appropriée dans tous les cas).

Origines et sens du baromètre

Définition

Un baromètre propose de coder les émotions suivant 4 couleurs (Vert, Jaune, Orange, Rouge) selon leur intensité. Pratiquement chaque participant choisit des post-it de la couleur correspondant à son feeling. Le classement de ces post-it permet de créer une carte visuelle des émotions sur un sujet quelconque. Lire la suite

Trois lignes de conduite d’une conversation performante

Pourquoi des lignes de conduite dans une conversation?

Avec mes associés de La Boetie Partners nous utilisons de manière « massive » des lignes de conduite dans les conversations que nous animons car :

  1. L’exploration de sujets sensibles demande de bonnes conversations.
  2. Une bonne conversation est une discussion où tous les points de vues sont entendus et où la voie intégrant toutes les bonnes raisons est recherchée.
  3. La bonne intention ne suffit pas pour mener une bonne conversation, car c’est mon comportement réel qui aide ou freine les autres pas uniquement mon intention.
  4. Mon comportement réel peut faciliter la conversation si je suis trois lignes de conduite simples et concrètes.
  5. Nous observons que proposer ces lignes de conduite à un auditoire avant la conversation en change le climat.

Quelles sont ces lignes de conduite ?

Pour aider les équipes à tenir des conversations dignes de leurs enjeux nous proposons un cadre de travail exigeant basé sur trois lignes conduite :

  • Décidez d’apprendre des autres, surtout si vous croyez les connaître “par coeur”, cette décision vous permettra d’explorer un nouveau monde et elle constitue une aide concrète pour être attentif : je dois chercher à apprendre quelque chose ! cette décision est un préalable à la recherche des bonnes raisons (ligne n°3).
  • Exprimez-vous lorsque vous avez quelque chose d’important à dire. Si vous ne le faite pas, le groupe manquera d’une information importante. Comment pourront-ils apprendre en vous écoutant ? Faites-le spécialement lorsque c’est difficile : lorsque vous craignez la contradiction ou de blesser quelqu’un, les “bonnes raisons” habituelles qui nous empêchent de parler ouvertement. C’est quand nous trouvons les mots pour les dépasser que nous aidons le plus le groupe.
  • Cherchez les bonnes raisons : chacun a toujours une bonne raison de dire ce qu’il dit, penser ce qu’il pense ou agir comme il le fait. Remplacer le blâme ou la tentative de convaincre l’autre par la recherche de sa compréhension donne le levier qui change la nature de nos conversations. Et plus ce que dit l’autre vous agace, plus le levier sera efficace !

Plus d’information (in English) sur http://www.laboetiepartners.com/#post-188 rubrique « three working principles”.

D’où viennent-elles ?

Ces lignes de conduites naquirent d’abord du fait de préférences personnelles que nous avions au sein de notre équipe. Préférence pour l’écoute, pour la recherche de la vérité même si elle reste partielle et incomplète et préférence pour que chacun puisse s’exprimer, se dire. Aujourd’hui nous les proposons car elles sont efficaces, mais nous constatons que toutes les équipes qui choisissent de travailler avec nous aspirent à ce type de relations, au contraire de relations « brutalement efficaces » par exemple.

 

  • L’idée initiale est venue de l’identification par Sylvain Tesson, psychanalyste français, des décisions pratiques pour développer une réelle empathie. Nous avons conservé la règle « écouter pour apprendre » comme pierre angulaire de son travail
  • La seconde (“exprimez ce qui est important”) synthétise le travail de Will Schutz sur l’ouverture, clef de la santé des équipes et les études de François Morel identifiant que les organisations qui commettaient beaucoup moins d’erreurs que les autres avaient toutes développé des process et des règles permettant à chacun de s’exprimer. Un tel climat aurait par exemple empêché l’explosion malheureuse de la navette Columbia.
  • La plus importante, «cherchez les bonnes raisons », vient de l’analyse sociologique du célèbre Michel Crozier, qui chercha à comprendre les comportements bizarres en organisations en postulant que chacun avait un comportement stratégique, ce que nous traduisons par « une bonne raison » d’agir comme il le fait.

 

En résumé non seulement en respectant ces lignes de conduite les conversations sont plus agréables (car empathiques) mais elles débouchent sur des résultats plus sûrs (François Morel), plus justes (Will Schutz) et permettent de percer certains mystères des organisations (Crozier). Enfin nous constatons  que l’application de cette discipline au quotidien révèle une énergie insoupçonnée dans les organisations.