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Tabou n°7 : dans une transfo les patrons aussi ont besoin d’aide

Comme toute culture celle de la transformation « fait silence » sur certains tabous « par crainte ou par pudeur ». Dans cette série nous nous proposons d’en découvrir sept présents dans beaucoup de projets. Pourquoi ? Parce que « rompre le silence » permet d’aborder les projets d’une manière plus efficace. Tout simplement.

La manifestation

N’avez-vous jamais entendu dans des groupes projets des conseils donnés au patron absent du type « il faudrait que Bertrand tranche sur ce point…(alors qu’il attend de récolter tous les avis) » ? Ou le classique « Isabelle devrait écouter les remontées de la BU America, elle a vraiment du mal à écouter (alors qu’elle l’a déjà fait, à sa façon)… » ? ou encore « Que penses Philippe de ce déroulé de la convention (alors qu’il n’est pas encore entré dans le dossier) » ?

Dans une transformation les équipes, les consultants attendent beaucoup du patron ou de la patronne. Ils attendent une orientation, parfois du réconfort, souvent des directives. Et, secrètement, chacun aimerait qu’il soit un peu différent ce patron, un peu plus ci, un peu moins ça. Et comme l’organisation se transforme, que tout le monde se transforme selon le tabou n°6, s’il pouvait en profiter pour changer dans un sens qui m’arrange bien….

Il y a un espoir et une illusions particuliers suscités par la position du dirigeant. Or dans une transformation, s’il a une responsabilité importante, le patron fait face à des situations inconfortables, à des décisions floues, à des cas de conscience, à des tâtonnements, lui qui est censé toujours aller bien, savoir quoi décider et ne pas se tromper. Pour faire ce chemin de transformation, le dirigeant, comme nous tous, a besoin d’aide. Tout simplement. Sans que cela n’enlève rien ni à sa compétence ni à son autorité.

Le tabou

Dans une transfo un patron aussi a besoin d’aide

Un exemple

En 2019 dans le secteur public, le directeur reste tout puissant. Dans la lettre des textes définissant ses responsabilités et les délégations qu’il donne, comme dans la tête de bien des collaborateurs. Conséquence directe, les dirigeants du monde publique sont généralement très compétents, très habités par leurs responsabilités qu’ils tiennent souvent avec courage et brio.

La transformation de l’action publique est profonde. Dans une de ces transformations, le directeur, hyper compétent et hyper respecté n’arrivait pas à mettre les mots sur ce qu’il souhaitait dans une situation managériale un peu compliqué. Son Comité de Direction, avouons-le, profitait un peu de la situation, râlait après ceux qui ne faisait pas leur part, sans chercher à résoudre le problème. Tout simplement le directeur avait besoin d’un peu d’aide pour formuler clairement son insatisfaction. Comme cette insatisfaction était managériale et non technique, il était moins à l’aise que d’habitude, mais pas moins pertinent. L’aider à formuler clairement son point permis non seulement de clarifier sa pensée mais aussi que tous comprennent mieux comment agir, tout spécialement les personnes impliquées. Sans que cela n’enlève rien à son autorité, son image, son prestige.

Les bénéfices de regarder le tabou en face

Il existe beaucoup de raisons conscientes et inconscientes pour lesquelles nous nourrissons des illusions sur le patron. Les explorer ce n’est pas l’objectif. Quel bénéfice pouvons-nous tirer à regarder ce tabou en face ? Comment devenir antifragile sur ce point ?

Une fois que ce besoin d’aide est accepté par celui qui peut le donner cela nous permet de voir les choses totalement différemment. Je vois très souvent des exemples ou les patrons ont besoin d’aide pour formuler clairement des directives qui une fois claires seront très contraignantes. Il n’y a aucune contradiction entre le fait que le ou la cheffe ait besoin d’aide et le fait qu’il ou elle ait le pouvoir. L’aide apporter permet au patron d’exercer pleinement ses responsabilités. Tout simplement.

Cerise sur le gâteau pour ceux qui y arrivent vraiment, ils passeront du statut de fournisseur ou courtisan à celui de partenaire. Ça vaut le coup.

Pour aller plus loin

Pour apprendre des outils facilitant cette aide à apporter aux dirigeants, vous pouvez participer au prochain atelier « la transformation antifragile » : dates et inscriptions ici :

 

Crédit photo : Justin Trudeau, premier ministre du Canada sur https://pm.gc.ca/fr/photos/2019/05/16/premier-ministre-trudeau-assiste-diner-organise-president-macron-au-palais-de

Analyse du fonctionnement d’une équipe

Diagnostic de fonctionnement d’équipe

Je vais donner ici le protocole le plus efficace pour utiliser le canevas du fonctionnement d’une équipe. Il existe d’autres manières de procéder plus appropriées par exemple dans le cadre d’un projet. Pour une équipe comme généralement les gens ont besoin de parler assez longuement de leur fonctionnement, je privilégie la version longue.

Nous nous basons sur le canevas suivant décrit abondamment dans l’article Canevas fonctionnement équipe :

Protocole précis

  1. Il faut avoir au préalable, sur une autre question, fait vivre un processus de baromètre car nous allons utiliser des baromètres à deux dimensions tout au long du protocole
  1. Pour commencer nous demandons à l’équipe « Comme évaluez-vous le fonctionnement de votre équipe : son efficacité sur une note de 1 (nul) à 10 (hyper efficace) et en couleur comment vous vous sentez personnellement dans le fonctionnement.
  2. Ensuite, dimension par dimension, nous reposons au gens la même question. Ils évaluent les 6 dimensions en une seule fois, à l’aide de 6 post-it différents sur lesquels ils notent la dimension et la note (pas leur nom).
  3. Ensuite la restitution a lieu dimension par dimension
    1. Chacun colle son post-it sur un tableau approprié (voir ci-dessous),
    2. Chacun explique en quelques mots sa position, sans interruption et sans débat,
    3. Une fois que tout le monde est passé on note la synthèse des avis sur le tableau de la dimension
    4. On passe à la dimension suivante
  4. On parcourt ainsi toutes les dimensions, puis on analyse l’image globale

L’étape 1 est fondamental car il y a beaucoup d’informations, 6 dimensions, une note une couleur, il faut donc y aller par étape.

L’étape 2 sert à calibrer l’énergie que l’on va mettre sur l’exercice. Si l’équipe est à 7 jaune, c’est-à-dire qu’elle est satisfaite de son fonctionnement, ce ne sera pas la même analyse qu’un 3 orange. Dans le premier cas on améliore à la marge, dans le second il y a un problème.

L’étape 3 doit se faire en un seul coup pour éviter les influences.

L’étape 4 peut-être assez longue, pour l’animateur la réponse à l’étape 2 sert à calibrer le temps de parole. Attention à ne pas passer trop de temps à optimiser une dimension à 7 jaune.

Dans l’analyse il faut partir des dimensions où il y a le plus d’inefficacité puis d’insatisfactions en privilégiant les zones de désaccords. Puis tenter de remonter des explications en remontant les dimensions.

Prendre 1 à 3 décisions maximum pour améliorer le fonctionnement. Les équipes désirent souvent un fonctionnement idéal irréaliste, nous devons les aider à rester sur des ambitions de changement atteignables et nécessaires.

Pré-requis :

Tout le protocole se sert du baromètre

Fonctionnement équipe

La question « aidez-nous à améliorer le fonctionnement de notre équipe » revient comme un classique de l’accompagnement d’équipe. Plusieurs manières de répondre à cette question existent comme faire un diagnostic externe, la repousser comme non pertinente ou proposer à l’équipe de faire son propre diagnostic. Pour cela l’équipe a intérêt à se construire une image commune de son fonctionnement afin de pouvoir partager sur le sujet.

Pour se construire cette image j’ai élaboré au fil des interventions un canevas à 6 dimensions. Initialement il vient de la gestion de projet et plus spécialement des travaux du club de Montréal sur le sujet. Si sa théorie et ses origines vous intéressent je les décris dans l’article ici.

J’ai beaucoup tourné sur ce canevas, je suis passé de 5 à 6 à 9 dimensions pour finalement revenir à ces 6 là.

Ces dimensions concernent l’équipe dans son entier, pas uniquement ses réunions. Elles sont classées dans un ordre descendant : si j’ai un problème dans une dimension, je peux aller chercher des racines, des sources, des origines dans un des dimensions du dessus. Par exemple si une équipe expérimente un chaos complet en réunion (dimension instances), cela peut être parce qu’elle n’a pas d’objectifs clairs ou de responsabilités clairement définies.

Les 6 dimensions

Voici une description succincte des 6 dimensions qui se comprennent généralement assez rapidement.

  1. Objectifs : Les objectifs que l’équipe poursuit à court et à moyen terme. Il ne s’agit pas de la vision, des objectifs longs termes, mais bien des objectifs courts et moyen terme car d’expérience ce sont ceux-là qui souvent crée des malentendus. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander : Sont-ils clairs ? Formalisés ? Partagés par tous ? Rappelés régulièrement ? Pertinents ? Régulièrement revus ?
  2. Responsabilités : la répartition des responsabilités au sein de l’équipe et autonomie pour les exercer. En clair c’est l’exercice réel des responsabilités par chacun, à la fois dans la définition et aussi dans la pratique. L’autonomie pour les exercer fonctionne dans les deux sens : souvent les membres d’une équipe se plaignent du manque d’autonomie qu’on leur laisse, mais souvent aussi les patrons se plaignent du manque d’autonomie prise par leurs équipes. Et parfois certaines équipes manquent de cadre, vivent une trop grande autonomie. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander La répartition des responsabilités entre nous est-elle claire, assumé et cohérente ? L’autonomie, la marge de manœuvre dont chacun dispose est-elle ajustée à ses responsabilités ?
  3. Instances : ce sont les différents formats de réunions qui rassemblent tout ou partie de l’équipe. Cela comprend le format (durée), la fréquence, les objectifs et la composition (membres) des réunions. Pour raffinier l’on peut se demander si les instances Sont adaptés ? Suivis ? Cohérents ? Parfois les équipes ont trop d’instances, d’autres fois elles en manquent alors certaines réunions servent à plusieurs choses. Les membres ne savent alors plus sur quel objectif se caler. Parfois les réunions s’éternisent, sont trop longues, d’autres fois, surtout pour des réunions stratégiques, l’on manque toujours de temps.
  4. Méthodes : cette dimension prête souvent à confusion, il s’agit de la manière dont nous abordons un sujet, une question, un problème, une décision. C’est le pur processus au sens de Lehnardt (voir ici). Pour mieux cerner la dimension il est très utile de se demander : Existe-t-il une ou des méthodes pour traiter des différents sujets ? Sont-elles implicites ou explicites ? Sont-elles suivies ? La plupart des équipes que je rencontre appliquent des méthodes de travail implicitement et donc parfois les méthodes utilisées ne sont pas adaptées au sujet. D’autres fois tout le monde n’a pas compris ce que l’on était en train de faire. D’autres fois enfin le patron propose des méthodes qu’il ne respecte pas lui-même, invalidant ainsi toute discipline.
  5. Climat: Idem, cette dimension prête souvent à confusion. Il s’agit du climat relationnel des échanges. Ce climat peut varier d’autant que chaque culture d’entreprise, chaque équipe, chaque personne peut avoir des préférences différentes de climat relationnel. Pour bien évaluer le climat il est fondamental de se poser les questions suivantes : le climat relationnel est-il suffisamment bon pour que les échanges soient productifs ? En particulier est-il possible de parler vrai lorsqu’il faut aborder un problème ? Ce parler vrai nécessite-t-il un groupe restreint ? j’insiste beaucoup sur le parler vrai, cher au CEE, car il apparaît fondamental dans la performance d’une équipe bien plus que le climat de confiance ou de bienveillance. L’équipe la plus performante que j’ai connu était relationnellement très dure à vivre, mais tout ce qui était important à la réussite du business se disait.
  6. Livrables : cette dimension est très simple. Il s’agit de Ce que les réunions produisent, que ce soit des décisions, des plans d’actions, de l’échange, de l’alignement ou rien. Pour la santé de l’équipe à long terme il faut que les réunions servent à quelque chose. L’on peut donc se poser des questions du type : Nos réunions sont-elles productives ? En termes de décisions ? D’échanges ? Existe-t-il des comptes-rendus ? Sont-ils utilisés ? Lorsque les livrables pêchent très très souvent la cause vient de plus « haut » dans la liste.

Attention : un comité de direction est souvent attendu pour être un lieu de décision alors que les décisions appartiennent par la voie légale au seul dirigeant. Parfois ce sont des lieux d’informations, d’enrichissement, de débats pour instruction. Les livrables attendus ne sont pas des évidences.

Les deux premières dimensions sont de l’ordre du « sens », les deux suivantes du « comment » et les deux dernières du « quoi ».

Ce canevas se prête à plusieurs protocoles de discussions collectives.