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Tabou n°6 : Se transformer c’est pour moi aussi

Comme toute culture celle de la transformation « fait silence » sur certains tabous « par crainte ou par pudeur ». Dans cette série nous nous proposons d’en découvrir sept présents dans beaucoup de projets. Pourquoi ? Parce que « rompre le silence » permet d’aborder les projets d’une manière plus efficace. Tout simplement.

La manifestation

« Il faudrait qu’ils…. » « si seulement elle… » on entend souvent ce genre de phrases dans les conversations usuelles des projets de transfo. Assez naturellement nous regardons les choses que les autres doivent changer sans voir que très souvent nous-mêmes nous avons, de manière un peu bizarre, le même chemin à faire.

Autre face de la même pièce, il est facile de constater chez les autres qu’ils prêchent une agilité ou une bienveillance qui leur fait, à eux aussi, défaut. Observer ce type de comportement incongruent nous renseigne beaucoup sur ce phénomène spécifique de la transformation, qu’il est fondamental de se regarder soi même.

Le tabou

Conduire ou accompagner une transformation demande de se transformer soi même (au moins un petit peu).

Un exemple

En 2016, une société de service financier fit appel à nous car la nouvelle équipe avait trouvé dans la DSI 40 chefs de projet qui « ne savait pas faire leur travail », bien qu’ils fussent pour la plupart plein de bonnes volontés. Le projet demanda à ce que nous les formions. Au fil du projet nous nous rendîmes compte que les chefs de projet n’étaient pas les seuls à avoir besoin d’apprendre une nouvelle façon de faire leur métier. Le DSI était dans le même cas, et nous aussi bien sûr !

Les bénéfices de regarder le tabou en face

Il existe beaucoup de raisons conscientes et inconscientes pour lesquelles nous gardons silence sur ce que nous sommes appelés à changer. Les explorer nous perdrait sans nécessairement nous aider à en sortir. Ce n’est pas l’objectif. Quel bénéfice pouvons-nous tirer à regarder ce tabou en face ? Comment devenir antifragile sur ce point.

L’avantage principal de regarder ce tabou en face consiste à dédramatiser le changement qui est nécessaire pour soi-même. Je le répète à longueur d’article sur ce blog, la transformation c’est d’abord pour soi-même. Par exemple dans la nécessité de supervision ou bien entendu dans le processus parallèle. C’est évident et ce n’est pas une grande affaire. Plus précisément c’est d’autant moins une grande affaire que nous n’y attachons pas une importance démesurée. Bien sûr en chemin nous nous rendrons compte d’une ou deux erreurs, d’un manquement ou d’une incompétence. Mais nous nous rendrons compte simplement, jamais nous ne deviendrons incompétent. Nous augmenterons peut-être la compréhension de nos limites, mais paradoxalement cette meilleure compréhension de nos limites les diminuera au lieu de les augmenter. Nos limites ont cette caractéristiques d’augmenter avec notre refus de les voir. Donc en les regardant en face, nous en limiterons les effets. N’est-ce pas proprement génial ?

Pour aller plus loin

Cette notion est au cœur de mon intérêt pour l’antifragilité dans le métier et en général.

Pour apprendre à utiliser les obstacles au profit du projet et rendre la transformation antifragile vous pouvez participer au prochain atelier « la transformation antifragile » : dates et inscriptions ici.

Tabou n°5 : Se transformer demande du courage

Comme toute culture celle de la transformation « fait silence » sur certains tabous « par crainte ou par pudeur ». Dans cette série nous nous proposons d’en découvrir sept présents dans beaucoup de projets. Pourquoi ? Parce que « rompre le silence » permet d’aborder les projets d’une manière plus efficace. Tout simplement.

La manifestation

Il existe une conversation type dans les interstices des projets de transfo qui consiste à déplorer le comportement d’une population « Nos patrons de BU pourrait donner l’exemple » ou d’une personne  « pourquoi le leader ne dit-il pas clairement les choses ? ». Les interrogations vont alors bon train, déplorant que tel comportement d’un leader freine le projet ou que tel manque d’exemplarité le discrédite. Explorer ces déceptions conduit quasi systématiquement à interpréter ce comportement comme venant d’une peur. Peur de choquer, peur de se tromper, peur d’aller trop vite, peur que ce nouveau chemin ne soit pas le bon, peur de perdre de son prestige, de son autorité voire même son job.

La conversation type se poursuit alors pour déplorer cette peur, parfois la blâmant tout haut, plus souvent conservant cette appréciation in petto. Ce n’est pas très élégant de se moquer de la peur des autres. Ni très efficace d’ailleurs car les admonestations à ne pas avoir peur marchent rarement.

Rarement est loué le courage que cela demande à un dirigeant de briser le statu quo, le courage que cela demande à un responsable de tester les nouveaux produits au risque de manquer ses objectifs, le courage qu’il faut à un simple collaborateur pour souligner publiquement une contradiction. Pourtant qui dit peur dit courage, c’est l’autre face de la même pièce.

Plus directement, affronter le facteur émotionnel (tabou n°3) ou changer réellement ses habitudes de collaboration (tabou n°4) cela demande du courage, le courage personnel de se contenir, de se remettre en question. Or toutes ces actions seront nécessaires au cours d’une transformation et toutes demandent du courage.

Le tabou

Mener une transformation demande du courage et pas uniquement celui de se remettre en cause.

Un exemple

Durant les années 2017 2018, la franchise française d’un grand partnership mondial de services professionnels décida d’adapter sa stratégie aux changements profonds de son environnement. Une organisation en partnership, très plate, demande de bâtir un fort consensus. Choisir une stratégie c’est choisir des priorités. Dans un partnership cela signifie laisser des activités de côté et donc demander à certains partners des sacrifices voire des changements d’activité. Entrer dans la discussion demande du courage à celui qui l’anime, le courage d’affronter les résistances et les récriminations. Et sortir de la discussion en demandera au patron de BU concernés qui abandonneront leur intérêt individuel court terme pour le bien collectif de long terme.

Les bénéfices de regarder le tabou en face

Il existe beaucoup de raisons conscientes et inconscientes pour lesquelles nous gardons silence sur les émotions en général et la peur en particulier. Les explorer nous perdrait sans nécessairement nous aider à en sortir. Ce n’est pas l’objectif. Quel bénéfice pouvons-nous tirer à regarder ce tabou en face ? Comment devenir antifragile sur ce point ?

Le bénéfice est un bénéfice de posture. Si nous considérons que les gens ont peur, nous allons prendre naturellement une position de donneur de leçon. Alors que si nous considérons le fait que cela demande du courage, alors nous prendrons plus facilement la posture d’entraîneur. Ce qui change tout car cela débloque beaucoup de situations. Souvent le simple fait de dire cela « cela demande du courage » cela suffit à aider la personne en face de vous a en avoir du courage. Alors que « dépasse ta peur », franchement, ça marche moins bien.

Pour aller plus loin

Pour poursuivre la description du cas initiés j’ai écrit un article explorant le courage que cela demande d’animer des discussions d’alignement que vous pouvez trouver ici : : http://emmanuelmas.com/2019/06/20/le-courage-de-lalignement/

Pour apprendre à utiliser les obstacles au profit du projet et rendre la transformation antifragile vous pouvez participer au prochain atelier « la transformation antifragile » : dates et inscriptions ici : http://www.latransfodanslapeau.com/formation/

 

Crédit photo : départ du Red Bull Rampage 2019 – https://www.pinterest.fr/pin/710020697483244677/

Tabou n°2 : La transfo ce n’est pas du changement

Comme toute culture celle de la transformation « fait silence » sur certains tabous « par crainte ou par pudeur ». Dans cette série nous nous proposons d’en découvrir sept présents dans beaucoup de projets. Pourquoi ? Parce que « rompre le silence » permet d’aborder les projets d’une manière plus efficace.

La manifestation

Aujourd’hui la transformation est omniprésente, dans toutes les communications, dans toutes les organisations, dans tous les discours. Le mot à la mode, semble utilisé à toutes les sauces, perdant ainsi peu à peu son sens spécifique. Quelques années plus tôt, les professionnels distinguaient l’accompagnement au changement de la transformation. Cette dernière se différenciait alors par son ampleur, sa profondeur, par la difficulté à définir précisément la situation cible. Aujourd’hui l’usage d’un même mot ne permet plus de distinguer la nuance qu’il y a entre conduire habilement un projet au résultat connu et explorer ensemble vers un but globalement clair mais dont les contours restent à définir.

Dans la définition que je reprends à la Harvard Business Review (voir plus bas), la transformation se distingue du changement par l’incertitude. Dans un changement il est possible d’expliquer aux gens comment ils vont travailler dans l’état final, quand le projet aura abouti. Dans une transformation, c’est impossible. Cette incertitude fait toute la difficulté d’un projet. Quand par exemple un cabinet de conseil comme le notre invente un nouveau métier, c’est de la transformation. Impossible d’expliquer précisément à quoi ressemblera notre métier quand nous l’aurons inventé, puisque sinon nous  l’aurions déjà inventé. A contrario lorsqu’un nouvel outil de partage de fichiers est mis en place, c’est sans doute du changement s’il est possible de décrire la manière de travailler qui sera appliquée à la fin du projet de manière simple et claire.

Un de mes clients a fait le chemin inverse : le mot transformation était tellement utilisé, qu’ils l’appliquent maintenant aux projets à objectifs précis, gardant le terme change en anglais pour désigner les projets aux résultats exploratoires ou incertains. Évitons les querelles de définition, ce qui compte c’est de bien différencier les deux types de projets.

Le tabou

La transformation ce n’est pas du changement.

Un exemple

En 2015 nous fûmes appelés par un nom prestigieux du Paris Corporate pour un projet de… déménagement. Nous considérant comme des professionnels innovants de la transformation j’étais un peu vexé de ce projet que je considérais comme indigne car trop simple. Changer de locaux me paraissait simple.

Chemin faisant nous nous rendîmes compte que l’enjeu du projet dépassait largement le fait de déplacer des meubles. Le patron souhaitait utiliser le changement de locaux pour changer la manière de travailler. Il souhaitait inventer une autre manière de collaborer. Il fallait donc inventer ensemble cette collaboration nouvelle. Je m’étais trompé, c’était bien un projet de transformation. Il était impossible de décrire aux gens comment on voulait qu’ils travaillent puisque personne ne le savait. C’était à eux de l’inventer. Nous explorions. Le projet concernait bien une transformation au sens défini plus haut. Aujourd’hui, en 2019, quand je vois dans ces locaux les gens collaborer, se comporter différemment d’il y a quelques années, je suis fier d’avoir aidé à cette véritable transformation.

Les bénéfices de regarder le tabou en face

Il existe sans doute beaucoup de raisons conscientes et inconscientes pour lesquelles nous gardons silence sur ce tabou. Les explorer nous prendrait beaucoup de temps sans nécessairement nous aider à sortir par le haut. Ce n’est pas l’objectif. Quel bénéfice pouvons-nous tirer à regarder ce tabou en face ? Comment devenir antifragile sur ce point.

Savoir si notre projet relève du changement ou de la transformation permet de changer la manière de l’aborder. Dans un projet à l’issue incertaine, les temps collectifs serviront majoritairement à co-construire, tâtonner, explorer ensemble. Dans cette optique, toutes les critiques enrichiront la compréhension de ce qu’il s’agit de faire. Sous réserve de s’être structuré de la bonne manière, le projet pourra profiter de tous ces obstacles pour se raffiner.

Dans un projet de changement au contraire, chercher à co-construire avec des collaborateurs « pour faire passer la pillule » alors que la direction du projet sait à quoi elle veut aboutir produira des effets déceptifs et entamera la confiance. Pour que le projet avance bien il vaudra mieux mettre l’énergie à clarifier les intentions, expliciter le sens du changement et décrire précisément la situation cible pour chaque population.

Chacun de ces deux types de projets demandent donc des techniques, des savoir-faire spécifiques, utiles dans les deux cas mais avec des priorités différentes. Si pratiquer les deux types de projets permet de s’aguerrir sur chacun de ces savoir-faire, se tromper de priorité peut s’avérer désastreux si par exemple cela conduit à faire participer des collaborateurs en mal d’explication ou  à expliquer doctement un état final indescriptible.

Pour aller plus loin

Pour creuser cette distinction je recommande l’article (en anglais) de la Harvard Business Review suivant : https://hbr.org/2015/01/we-still-dont-know-the-difference-between-change-and-transformation

Pour apprendre à utiliser les obstacles au profit du projet et rendre la transformaiton antifragile vous pouvez participer au prochain atelier « la transformation antifragile » : dates et inscriptions ici : http://www.latransfodanslapeau.com/formation/

Accepter le sens antifragile

Dans les projets et plus généralement les organisations en transformation les dirigeants ont souvent l’occasion et le besoin d’élaborer et de présenter un « sens » à l’action. Pour cela avec mes associés nous leur proposons de structurer leur discours suivant le canevas de Simon Sinek présenté ici.

Le Sens antifragile part des observations faites lors des projets. Souvent j’ai vu ou accompagné des dirigeants qui élaboraient un sens très pertinent à leur niveau qui n’était pas compris par les niveaux sous leur responsabilité. Le cas le plus emblématique est celui d’une stratégie d’entreprise dont 75% des cas d’échec peuvent s’expliquer par une mauvaise appropriation (voir l’étude source sur le site du cabinet de conseil en stratégie AT Kearney).

Lorsque j’ai été formé au coaching, Vincent Lehnardt présentait les 3 niveaux Why, How, What verticalement. Cela avait l’inconvénient d’induire qu’on « montait » de niveau comme dans une progression à un jeu vidéo mais comportait l’énorme avantage une fois mis à côté d’une pyramide de responsabilités de montrer que les leaders (dirigeants) s’occupaient plus particulièrement de sens, les managers d’organisation et les collaborateurs de production. Bien sûr cette répartition des responsabilités n’a rien d’exclusif et un ouvrier a besoin de sens dans son travail comme un manager. En revanche cela permet bien de montrer que c’est plus de la responsabilité des dirigeants de discerner le sens collectif. Par exemple c’est leur boulot de choisir une stratégie qui permette la pérennité de l’organisation.

L’heuristique est la suivante : pour élaborer un discours de sens qui parle à toute l’organisation il faut le proposer à des petits groupes de niveaux inférieurs de l’organisation et leur demander d’aider à la formulation. Ainsi nous utilisons leurs incompréhensions comme des sources de progression.

Implicitement et sans que ce soit son intention, ce canevas fait reposer sur le dirigeant la lourde tâche de trouver les mots qui parlent à tous. L’exemple de Sinek sur Martin Luther King peut même être un peu écrasant : nous n’avons pas tous, tous les dirigeants n’ont pas ni son talent, ni son sujet ni son destin. Malheureusement cette manière d’envisager les choses conduit à chercher à éviter les erreurs à élaborer un contenu parfait avec le patron en amont.

En observant de manière répétée des dirigeants élaborer un sens pertinent puis faire face à une incompréhension au mieux polie lors de la présentation j’en suis arrivé à la conclusion qu’à force de rester à ce niveau d’abstraction les dirigeants ne se rendaient plus compte de la nature de l’information dont les autres niveaux avaient besoin. Lors des transfos j’en suis même arrivé à la conclusion que les dirigeants NE POUVAIENT PAS comprendre seuls la nature de ce qu’il fallait dire aux autres niveaux. La seule solution antifragile que j’ai trouvé consiste à demander de l’aide aux autres pour formuler le sens. Ainsi dans un projet que j’ai accompagné les dirigeants de la filiale française ont dû reprendre totalement la formulation de la vision qui avait été élaborée à New-York ; celle-ci parlait sans doute aux COMEX mondial mais à personne en France. Ensuite ils ont interprété cette vision pour la France et en ont décliné une stratégie par aller/retour successifs, assez longs, avec les niveaux suivants de management. En participant, non seulement le management s’approprie la vision et la stratégie mais en plus il en améliorer la pertinence et la formulation.

 

Règles du discours

Pour moi un réel discours de sens doit :

  1. Expliciter pour les raisons de l’action
  2. Permettre à toutes les couches de l ‘organisation, dirigeant, manager et collaborateur de trouver un sens personnel à faire cette action, d’y projeter leurs valeurs. Le sens doit résonner avec les valeurs réelles, vécues, de la culture de l’organisation
  3. Faire le lien entre pourquoi nous faisons les choses et pourquoi le client va apprécier cette manière de faire,
  4. Rester formuler simplement

Exemple

Pour moi le meilleur exemple est décrit par Southwest Airlines  dans cette vidéo. Regardez au moins les 10 premières minutes, vous comprendrez comment les employés s’approprient le sens.

https://www.youtube.com/watch?v=eGxMf88I5g4

l’antifragilité vient du fait que la formulation du sens sera améliorée par toutes les incompréhensions, les discussions, les désaccords.

How to

  1. Pour arriver à une telle formulation, rien ne remplacera la présentation et la discussion de chaque terme avec des représentants de chaque couche de la population,
  2. Cela suppose d’avoir une formulation du sens qui soit synthétique,
  3. Attention à ne pas rédiger définitivement en direct, cela peut conduire à tordre le sens pour faire plaisir aux participants, ce qu’un peu de recul peut éviter.
  4. Le plus difficile restera souvent de convaincre ceux qui sont responsables du résultat final qu’ils ne peuvent le délivrer du premier coup, qu’ils doivent donc profiter de toutes les occasions de discussion pour améliorer à la fois leur pensée et leurs formulations.
  5. On procède par aller/retour : présentation, discussions, reprise des commentaires et représentation au même groupe.

Procéder ainsi par aller/retour successifs permet bien de rendre le SENS antifragile : on profite de toutes les incompréhensions, incohérences pour améliorer la pertinence du message en postulant que le message est pertinent lorsqu’il fonctionne avec toutes les parties prenantes.

Cerise sur le gâteau : en sus d’une meilleure rédaction vous gagnerez l’appropriation par toutes les personnes participantes à la formulation comme dans une vision 5 étoiles de Doyle.

Pré-requis :

Tout le protocole se sert du Sens disponible ici et peut se voir comme une extension massive du featuring.

Le canevas antifragile par principe

Pour l’avoir pratiqué depuis une quinzaine d’années, je prétends que par définition un canevas sur lequel les participants peuvent donner leur avis est antifragile. Nous pourrions résumer l’heuristique à la formule mathématique suivante :

Baromètre + Canevas = antifragile.

L’heuristique est la suivante : pour rendre antifragile un canevas il suffit de l’utiliser en équipe et de rendre visible les problèmes.

En français, si on prend un canevas visuel et qu’on demande aux participants d’y mettre leur feeling en couleur (via le baromètrebaromètre), nous obtiendrons une image globale de la représentation des participants. Comme cette image concrétise les différentes représentations, nous allons pouvoir voir les désaccords et ainsi en tirer profit en considérant qu’il y a autant d’énergie dans une convergence parfaite que dans une divergence. Quasiment systématiquement en creusant ce qui expliquait une divergence de point de vue sur un canevas les participants aboutissent à un accord sur un diagnostic plus fin du problème posé.

 

L’antifragilité vient du fait que les problèmes étant posés sur le canevas, nous allons pouvoir en profiter en cherchant à leur donner du sens, améliorant ainsi la pertinence du diagnostic.

How to

  1. Prendre un canevas visuel de taille suffisamment grande pour pouvoir y coller des post-it
  2. Demander aux participants d’évaluer les différentes dimensions en leur donnant un crédit pour les forcer à se positionner : 4 post-it, un positif, un négatif, pour 7 dimensions par exemple
  3. Faire une image grâce au canevas
  4. Etablir un diagnostic à partir de cette image

Cerise sur le gâteau : en sus d’un meilleur diagnostic vous gagnerez l’appropriation des conclusions par toutes les personnes participantes à l’analyse.

Pré-requis :

Tout le protocole se sert du Sens ici et peut se voir comme une extension massive du featuring.

Nous avons illustré le principe ici à l’aide du canevas des 7S mais nous aurions pu prendre n’importe quel autre canevas.

Le planning antifragile

La thèse du Cygne Noir de Nassim Taleb conduit à conclure que chercher à prévoir le futur est profondément fragile. Cela nous raidit sur des suppositions fausses et donc la prévision nous fragilise. Taleb suggère de passer son énergie à prévoir quoi faire en cas de problème, ce qu’il appelle l’optionnalité.

Paradoxalement pour pouvoir rester souple dans les projets j’ai expérimenté que l’absence de planning était contre-productive. Pas de planning c’est pas de vision de l’avenir. Donc une difficulté à se projeter et donc une difficulté à prévoir comment réagir. Pour rester antifragile je recommande donc de dresser au moins un macro-planning des séquences prévisibles et de le tenir à jour.

L’heuristique est la suivante : pour se projeter dans l’avenir, faire un planning que nous ne chercherons pas à respecter.

Le plus délicat consistera à rester souple sur ce planning. Son but est de nous aider à prévoir quoi faire, ce n’est pas une suite d’échéances à respecter sauf bien évidemment quand il existe des échéances structurantes. C’est un outil pour se projeter dans l’avenir, évaluer les options qui s’offrent à nous et lancer les préparations nécessaires.

Une des dérives classiques consiste à perdre beaucoup d’énergie dans le respect du planning. Ici le planning ne sert qu’à travailler l’optionnalité. Par exemple dresser un planning des réunions à l’avance permet de vérifier qu’il ne manque pas une réunion de coordination ou alors qu’il faut parler aux speaker dès aujourd’hui de la prochaine réunion dans laquelle ils doivent intervenir car nous ne pourrons les réunir une nouvelle fois dans l’intervalle. Autre exemple vécu, penser à réserver la salle de réunion car les grandes salles étant peu nombreuses, elles sont réservées très longtemps à l’avance. Dresser le planning permet donc de penser à des problèmes qu’on oublierait facilement.

l’antifragilité vient du fait que en faisant un planning on se projette dans l’avenir et donc on peut mieux envisager les options qui s’offrent à nous.

How to

  1. Positionner sur un planning toutes les échéances du projet
  2. Se demander pour chaque échéance, qui a besoin de préparer quoi
  3. Se demander pour chaque échéance comment garder le maximum d’options ouvertes pour répondre à l’incertitude

On trouve sur google sheets des exemples de planning assez faciles à remplir, à partager et conçus pour pouvoir collaborer dessus à plusieurs.

Pré-requis :

Pour mieux se persuader de l’inanité des prévisions lire l’article suivant qui reprend beaucoup d’erreurs de prévisions : https://signauxfaibles.co/2019/03/23/pourquoi-les-predictions-sont-souvent-fausses-et-quelles-lecons-en-tirer/

Ou directement sur le Cygne Noir par Taleb lui-même : https://www.youtube.com/watch?v=BDbuJtAiABA

Ou encore la version mathématiques du Cygne Noir, que les anglo-saxons nomment Fat Tail  : https://www.academia.edu/37221402/THE_STATISTICAL_CONSEQUENCES_OF_FAT_TAILS_TECHNICAL_INCERTO_COLLECTION_?auto=download

L’activité ressource

Pour pouvoir pratiquer l’antifragilité au quotidien il faut en prendre les moyens : ce n’est pas naturel, dans un environnement stressé et complexe, de toujours voir le verre a moitié plein, de rester optimiste, de rester convexe. Prendre le temps, régulièrement, d’aller pratiquer une activité ressource aide à devenir ou à rester antifragile.

La pratique de l’antifragilité consomme de l’énergie et nous amène à aller puiser dans nos réserves d’estime de nous même, de sécurité intérieure pour rester distancié. L’activité ressource rempli ce réservoir dans lequel nous allons puiser.

L’heuristique est la suivante : pour s’aider soi-même à devenir antifragile, prenez le temps, sur les heures habituelles de travail si nécessaire, de pratiquer une activité qui vous ressource.

En complément de la supervision je recommande d’identifier une activité ressource qui vous reconnecte à vos sources intérieures.

Comment reconnaître une activité ressource ? Elle vous permet de tout oublier, généralement c’est une activité que vous aimiez pratiquez jeune, lorsque vous étiez libre, et généralement vous avez les idées plus claires en sortant. Cette activité peut activer votre centre de préférence (voir les 3 centres), donc être physique comme c’est le cas pour moi, émotionnelle ou intellectuelle.

A ce stade je me demande si l’activité peut réellement ne concerner qu’un seul centre où si vous avez intérêt à nourrir vos trois centres en ressources. Personnellement j’ai besoin d’exercice (centre corps), de lire des livres intelligents qui me donnent de nouveaux modèles (centre tête) et de supervision pour traiter les aspects émotionnels (centre cœur). Je manque de témoignage pour faire de cette ressource dans les 3 centres une heuristique.

L’antifragilité vient du fait qu’en prenant du recul avec notre travail, nous pouvons le considérer avec plus de souplesse, de relativisation. Si notre réservoir est rempli nous pourrons accepter plus facilement les déconvenues.

How to

  1. Identifier vos activités ressources en repensant à ce que vous faisiez naturellement lorsque vous étiez enfant
  2. Trouver une manière relativement simple, près de votre bureau ou de chez vous, de pratiquer une activité proche de cette activité. Il vaut mieux pouvoir le faire souvent que peu mais « purement ».
  3. Programmer des séances régulièrement
  4. Identifier votre cycle de besoin : est-ce hebdomadaire ? avant une réunion stressante ? avant de rentrer à la maison et s’occuper des enfants ?

Personnellement, vous l’aurez sans doute compris, la mienne de source, je la trouve en pratiquent le VTT slopestyle, seul ou avec des amis de rencontre.

Pré-requis :

Aucun.

Pour vous aider à identifier vous pouvez lire les 2 premiers chapitres du livre « a la source de la force intérieure ». Ce livre a été écrit par un prolixe moine bavarois spécialisé sur ce sujet. Les chapitres suivants sont réserver aux croyants, mais les deux premiers fonctionnent très bien avec tout le monde.

 

Featuring

« Hey qu’est-ce que vous faites à balancer un featuring au milieu de la présentation ? C’était pas prévu … »

Si je l’avais mieux connu, si le cadre avait été plus décontracté, si j’avais été plus prompt j’aurais sans doute pu interpeller ainsi le patron lors de ce séminaire.

Mais qu’aurait-il répondu ?

Souvent abrégé en featfeat.ft ou encore f., est utilisé dans l’industrie musicale pour indiquer la participation d’un artiste sur un titre de quelqu’un d’autre, que cette participation soit importante ou discrète.
 Lorsqu’au beau milieu de sa présentation prévue pour durer 30’ d’affilée, le dirigeant se mit à apostropher la salle « tiens qu’est-ce que vous en pensez de cette phrase, cela m’intéresse ? » j’ai sursauté. Réveillé en sursaut de ma douce somnolence je dus écourter mon rattrapage de sommeil (ils commencent tôt ces séminaires) pour réagir. Vite. Un quart de seconde pour décider « est-ce que je l’arrête ? ».  Nous avions prévu des séquences d’interactivité très cadrées pour plein de bonnes raisons. D’abord ce n’est pas facile de tenir une conversation à 50. Ensuite ils n’ont pas le débat facile, sinon ils n’auraient pas besoin d’un animateur. Enfin ce sont tous des patrons, très occupés, à la concentration limitée. Bref nous anticipions que ce groupe de 50 aurait l’airtime fragile… à la moindre occasion le brouhaha montera et ce sera dur, voire impossible, à rattraper. Donc je devais faire mon boulot, garder le cadre du débat, préserver ces modalités ciselées qui visaient à fluidifier leurs conversations difficiles. J’entendais cette petite voix « Emmanuel tu dois tenir ton cadre ». Qu’est-ce qu’il avait ce patron à inviter la salle dans sa présentation ? Que devais-je faire pour bien faire mon boulot ? Nous étions en direct je dus choisir vite. Contre toute logique, contre la petite voix, j’organisais la discussion. Comme ça, sans trop savoir pourquoi. Je passais les micros, à 50, pour discuter il faut des micros. Et ça marcha. Très bien même. Seules deux personnes parlaient, c’était en fait un featuring. Ils changèrent la phrase en question qui en avait bien besoin, puis le fil du séminaire reprit. Lors de la séquence d’interactivités suivante, le patron recommença à apostropher la salle. Cette fois-ci je l’arrêtai. Nous avions besoin d’élargir la conversation à l’ensemble du groupe. La séquence prévue se déroula à merveille.
L’heuristique consiste à inviter d’autres personnes dans sa présentation, dans sa réflexion, que ce soit en direct ou préparé pour enrichir le propos d’un autre point de vue, rendant ainsi la présentation plus collective, plus précise, plus juste.

Raconter ainsi, tout semble parfaitement maîtrisé, mais je fis une grande découverte ce jour-là : le featuring. Qu’est-ce au juste que le featuring ? C’est une pratique de l’industrie musicale où un artiste en invite d’autres pour élargir son audience des fans de ses invités qui profitent également du même mécanisme. Cette pratique se répand car elle permet de se faire connaître plus facilement lorsque les fans écoutent la musique en streaming et non plus en radio.

Au-delà de son efficacité, le featuring change l’image de l’artiste et la portée de son message. Prenons l’exemple vidéo ci-dessous où Maître Gims invite Vianney chez Skyrock, une première. Historiquement ce fut Vianney qui invita Maître Gims à collaborer.  Ce faisant ils élargissent bien leur audience des fans de l’autre, mais cela va plus loin, regardez.

Le message de cette chanson se résume au constat que nous jugeons trop vite les autres  « On prend des boîtes, on y range les gens qu’au fond jamais, jamais l’on ne comprend » . Or ce message dit par Maître Gims seul pourrait être interprété comme la revendication du rebelle de banlieue qui refuse d’être jugé. Chanté par Vianney seul il pourrait être interprété comme le nième message de bonne conscience du fils à papa, enfant gâté. Lorsqu’ils le chantent tous les deux cela change la portée du message, leur collaboration rend leur message plus universel.

C’est exactement ce qui s’est passé avec mon grand patron : non seulement il avait bien senti que certains n’étaient pas d’accord avec la formulation, mais en les faisant intervenir il a amélioré la portée de son message, il l’a rendu plus collectif, plus juste et plus percutant. Pour d’évidentes raisons de confidentialité je ne peux reproduire ici les évolutions de la phrase en question, mais elles furent exactement de la même nature que la collaboration Vianney/Maître Gims, moins marqué par le style d’un seul homme.

Le featuring enrichi donc à la fois l’audience et la portée du message. Sans featuring nous aurions perdu la salle et le message aurait été moins bon ! Améliorer un message par la critique, c’est par définition antifragile ! Merci pour la découverte.

Alors si je l’avais interrompu :

« Hey qu’est-ce que vous faîtes à balancer un featuring au milieu de la présentation ? Ce n’était pas prévu … »

il m’aurait répondu, comme Vianney et Maître Gims :

« Aye, aye, aye, si je vous gêne, bah c’est la même. »

Et il aurait eu bien raison.

De toute manière il fait bien ce qu’il veut de son séminaire !

Pour explorer l'art de rendre un projet de transformation antifragile, prochaines sessions ici.
Définition du featuring sur wikipédia ici.
L'histoire du morceaux de Vianney et Maître Gims en musique ici
Les paroles complètes de "la même" sont ici.