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Tabou n°6 : Se transformer c’est pour moi aussi

Comme toute culture celle de la transformation « fait silence » sur certains tabous « par crainte ou par pudeur ». Dans cette série nous nous proposons d’en découvrir sept présents dans beaucoup de projets. Pourquoi ? Parce que « rompre le silence » permet d’aborder les projets d’une manière plus efficace. Tout simplement.

La manifestation

« Il faudrait qu’ils…. » « si seulement elle… » on entend souvent ce genre de phrases dans les conversations usuelles des projets de transfo. Assez naturellement nous regardons les choses que les autres doivent changer sans voir que très souvent nous-mêmes nous avons, de manière un peu bizarre, le même chemin à faire.

Autre face de la même pièce, il est facile de constater chez les autres qu’ils prêchent une agilité ou une bienveillance qui leur fait, à eux aussi, défaut. Observer ce type de comportement incongruent nous renseigne beaucoup sur ce phénomène spécifique de la transformation, qu’il est fondamental de se regarder soi même.

Le tabou

Conduire ou accompagner une transformation demande de se transformer soi même (au moins un petit peu).

Un exemple

En 2016, une société de service financier fit appel à nous car la nouvelle équipe avait trouvé dans la DSI 40 chefs de projet qui « ne savait pas faire leur travail », bien qu’ils fussent pour la plupart plein de bonnes volontés. Le projet demanda à ce que nous les formions. Au fil du projet nous nous rendîmes compte que les chefs de projet n’étaient pas les seuls à avoir besoin d’apprendre une nouvelle façon de faire leur métier. Le DSI était dans le même cas, et nous aussi bien sûr !

Les bénéfices de regarder le tabou en face

Il existe beaucoup de raisons conscientes et inconscientes pour lesquelles nous gardons silence sur ce que nous sommes appelés à changer. Les explorer nous perdrait sans nécessairement nous aider à en sortir. Ce n’est pas l’objectif. Quel bénéfice pouvons-nous tirer à regarder ce tabou en face ? Comment devenir antifragile sur ce point.

L’avantage principal de regarder ce tabou en face consiste à dédramatiser le changement qui est nécessaire pour soi-même. Je le répète à longueur d’article sur ce blog, la transformation c’est d’abord pour soi-même. Par exemple dans la nécessité de supervision ou bien entendu dans le processus parallèle. C’est évident et ce n’est pas une grande affaire. Plus précisément c’est d’autant moins une grande affaire que nous n’y attachons pas une importance démesurée. Bien sûr en chemin nous nous rendrons compte d’une ou deux erreurs, d’un manquement ou d’une incompétence. Mais nous nous rendrons compte simplement, jamais nous ne deviendrons incompétent. Nous augmenterons peut-être la compréhension de nos limites, mais paradoxalement cette meilleure compréhension de nos limites les diminuera au lieu de les augmenter. Nos limites ont cette caractéristiques d’augmenter avec notre refus de les voir. Donc en les regardant en face, nous en limiterons les effets. N’est-ce pas proprement génial ?

Pour aller plus loin

Cette notion est au cœur de mon intérêt pour l’antifragilité dans le métier et en général.

Pour apprendre à utiliser les obstacles au profit du projet et rendre la transformation antifragile vous pouvez participer au prochain atelier « la transformation antifragile » : dates et inscriptions ici.

Le canevas antifragile par principe

Pour l’avoir pratiqué depuis une quinzaine d’années, je prétends que par définition un canevas sur lequel les participants peuvent donner leur avis est antifragile. Nous pourrions résumer l’heuristique à la formule mathématique suivante :

Baromètre + Canevas = antifragile.

L’heuristique est la suivante : pour rendre antifragile un canevas il suffit de l’utiliser en équipe et de rendre visible les problèmes.

En français, si on prend un canevas visuel et qu’on demande aux participants d’y mettre leur feeling en couleur (via le baromètrebaromètre), nous obtiendrons une image globale de la représentation des participants. Comme cette image concrétise les différentes représentations, nous allons pouvoir voir les désaccords et ainsi en tirer profit en considérant qu’il y a autant d’énergie dans une convergence parfaite que dans une divergence. Quasiment systématiquement en creusant ce qui expliquait une divergence de point de vue sur un canevas les participants aboutissent à un accord sur un diagnostic plus fin du problème posé.

 

L’antifragilité vient du fait que les problèmes étant posés sur le canevas, nous allons pouvoir en profiter en cherchant à leur donner du sens, améliorant ainsi la pertinence du diagnostic.

How to

  1. Prendre un canevas visuel de taille suffisamment grande pour pouvoir y coller des post-it
  2. Demander aux participants d’évaluer les différentes dimensions en leur donnant un crédit pour les forcer à se positionner : 4 post-it, un positif, un négatif, pour 7 dimensions par exemple
  3. Faire une image grâce au canevas
  4. Etablir un diagnostic à partir de cette image

Cerise sur le gâteau : en sus d’un meilleur diagnostic vous gagnerez l’appropriation des conclusions par toutes les personnes participantes à l’analyse.

Pré-requis :

Tout le protocole se sert du Sens ici et peut se voir comme une extension massive du featuring.

Nous avons illustré le principe ici à l’aide du canevas des 7S mais nous aurions pu prendre n’importe quel autre canevas.

Analyse du fonctionnement d’une équipe

Diagnostic de fonctionnement d’équipe

Je vais donner ici le protocole le plus efficace pour utiliser le canevas du fonctionnement d’une équipe. Il existe d’autres manières de procéder plus appropriées par exemple dans le cadre d’un projet. Pour une équipe comme généralement les gens ont besoin de parler assez longuement de leur fonctionnement, je privilégie la version longue.

Nous nous basons sur le canevas suivant décrit abondamment dans l’article Canevas fonctionnement équipe :

Protocole précis

  1. Il faut avoir au préalable, sur une autre question, fait vivre un processus de baromètre car nous allons utiliser des baromètres à deux dimensions tout au long du protocole
  1. Pour commencer nous demandons à l’équipe « Comme évaluez-vous le fonctionnement de votre équipe : son efficacité sur une note de 1 (nul) à 10 (hyper efficace) et en couleur comment vous vous sentez personnellement dans le fonctionnement.
  2. Ensuite, dimension par dimension, nous reposons au gens la même question. Ils évaluent les 6 dimensions en une seule fois, à l’aide de 6 post-it différents sur lesquels ils notent la dimension et la note (pas leur nom).
  3. Ensuite la restitution a lieu dimension par dimension
    1. Chacun colle son post-it sur un tableau approprié (voir ci-dessous),
    2. Chacun explique en quelques mots sa position, sans interruption et sans débat,
    3. Une fois que tout le monde est passé on note la synthèse des avis sur le tableau de la dimension
    4. On passe à la dimension suivante
  4. On parcourt ainsi toutes les dimensions, puis on analyse l’image globale

L’étape 1 est fondamental car il y a beaucoup d’informations, 6 dimensions, une note une couleur, il faut donc y aller par étape.

L’étape 2 sert à calibrer l’énergie que l’on va mettre sur l’exercice. Si l’équipe est à 7 jaune, c’est-à-dire qu’elle est satisfaite de son fonctionnement, ce ne sera pas la même analyse qu’un 3 orange. Dans le premier cas on améliore à la marge, dans le second il y a un problème.

L’étape 3 doit se faire en un seul coup pour éviter les influences.

L’étape 4 peut-être assez longue, pour l’animateur la réponse à l’étape 2 sert à calibrer le temps de parole. Attention à ne pas passer trop de temps à optimiser une dimension à 7 jaune.

Dans l’analyse il faut partir des dimensions où il y a le plus d’inefficacité puis d’insatisfactions en privilégiant les zones de désaccords. Puis tenter de remonter des explications en remontant les dimensions.

Prendre 1 à 3 décisions maximum pour améliorer le fonctionnement. Les équipes désirent souvent un fonctionnement idéal irréaliste, nous devons les aider à rester sur des ambitions de changement atteignables et nécessaires.

Pré-requis :

Tout le protocole se sert du baromètre

Baromètre à deux dimensions

Un des outils d’alignement les plus utiles que je connaisse s’appelle le baromètre à 2 dimensions. Pour l’utiliser il faut s’être bien frotté au baromètre « simple ». C’est une règle absolue de faire faire à l’équipe un baromètre simple avant de lui faire faire un baromètre à 2 dimensions, sinon la confusion régnera.

Il faut poser une seule question à deux dimensions, une dimension « tête » (voir les 3 centres) qui fait réfléchir et qui sera évaluée par une note de 1 à 10, et une dimension plus intuitive qui sera évaluée par une couleur. L’objectif poursuivi consiste à aider les gens à distinguer ce qu’ils pensent de ce qu’ils sentent. Pour cela il est fondamental que ce soit une même question à deux dimensions, et pas une question par dimension, sinon nous perdrons tout pouvoir déconfusionnant.

– Par exemple je peux être d’accord dans ma tête avec une décision mais ne pas avoir envie de l’appliquer. Donc je vais m’opposer à la décision, mais mon patron ne saura pas pourquoi, il pensera généralement que je suis contre. Distinguer ces deux dimensions aidera à avoir la conversation résolutoire.
– Dans le sens inverse je peux choisir (couleur) d’appliquer une décision à laquelle je ne crois pas (disons 2/10). Bizarrement alors la mise en œuvre sera lente, voire toujours reportée.

Ce qu’il est très important de comprendre, c’est que bien souvent une personne ne sait pas ce qui coince quand elle coince. Elle se pose rarement la question de savoir si c’est sa tête ou ses tripes. Donc en lui posant la question je vais l’aider à s’aligner avec elle-même. Puis lorsque la conversation aura lieue avec tout le groupe, chacun pouvant partager sa représentation, le groupe pourra s’aligner sur ce qui est accord et ce qui est réellement désaccord.

L’heuristique est la suivante : pour tenir une discussion d’alignement sur un sujet de désaccord, faire un baromètre à deux dimensions. Cela aidera les personnes comme le groupe à s’aligner.

Protocole

  1. Faire faire un baromètre simple sur une question connexe
  2. Expliquer le principe des deux dimensions
  3. Expliciter la question
  4. Faire écrire aux participants leur note sur un post-it de couleur de leur feeling
  5. Une fois que tout le monde a écrit, chacun vient coller en commentant ou non au choix de l’animateur, son évaluation. Pas de commentaires ni de débat, uniquement des questions de clarification
  6. Quand tout le monde est passé expliciter les règles de l’analyse
  7. Initier l’analyse par le groupe puis la compléter par l’animateur

Exemple

Par exemple, comme sur la photo ci-dessus, je pose la question « Comment évaluez-vous notre climat de coopération : son efficacité sur une échelle de 1 à 10 et votre feeling en couleur » ?

– Chacun pourra ainsi se déterminer, je peux être orange car les échanges sont rugueux, mais on est efficace donc je mets 9. Ce serait le cas dans une équipe où les gens doivent coopérer à partir de positions antinomiques comme la production et les commerciaux. A l’inverse je suis vert, c’est OK pour moi, mais on n’arrive à rien parce qu’on évite soigneusement les sujets qui fâchent
– L’équipe en se positionnant donnera une image de son alignement autour de la question. Sur la photo nous voyons qu’il y a deux groupes à l’évaluation différente. En discutant l’équipe pourra mieux comprendre les besoins de chacun et quoi faire pour s’améliorer, sans jamais avoir besoin de passer par une phase trop « personnelle ».

L’antifragilité vient du fait que en mettant en évidences les problèmes au bon niveau nous pourrons plus facilement trouver une solution. L’heuristique aide à passer d’une vision personnalisée à une vision plus objective, donc résolutoire.

Interprétation

  1. Pour interpréter les deux dimensions il faut éviter soigneusement de vouloir que les gens soient d’accord, mais au contraire bien chercher à comprendre leurs points de vue
  2. Pour analyser un baromètre on cherche à comprendre l’énergie du groupe. Celle-ci se mesure de trois manières :
    1. La disposition des post-it : est-elle étalée, concentrée ? Existe-t-il des points d’accumulation ?
    2. La convergence des expressions montre une énergie cohésive, qui si elle n’est pas feinte constitue une force puissance, que ce soit en positif ou en négatif
    3. La divergence des expressions demande généralement à être approfondie car elle est souvent le signe d’une tension entre deux pôles, deux manières de voir, souvent toutes deux vraies (chasse aux bonnes raisons).

 

Pré-requis :

Tout le protocole s’appuie sur le baromètre

 

Business Model Fuel

Un canevas pour décrire notre modèle économique

Ce canevas a 9 cases et il est relativement célèbre, beaucoup plus célèbre que ses auteurs, Yves Pigneur (Professeur à l’IMD) et Alex Ostwalder (un de ses anciens élèves) qui en sont à l’origine. Leur société, Strategyzer, a accompagné quelques changement de modèle emblématique (Hilti, la division Camion de Michelin) et prodigue cours on-line et présentiel pour apprendre à jouer avec le canevas. Ils ont, de mon point de vue, un énorme talent de simplicité « essentialiste » : comment aller à l’essentiel en très peu de mots. D’ailleurs quand on y pense décrire un business model en 9 cases, c’est en soi un exploit !

A quoi sert un tel canevas ?

  • Avoir un langage commun pour discuter d’un business, l’analyser, le comparer avec d’autres.
  • Modéliser simplement une idée de business en englobant toutes ses composantes.
  • Discuter, échanger, chercher ensemble.

C’est donc un outil idéal pour élaborer un diagnostic collectif ou explorer ensemble de nouvelles idées de business. Nous l’avons utiliser à plusieurs reprises avec mes associés LBP, pour nos clients et pour nous même.

Une vidéo pour comprendre

Quelques exemples

Comment le décrire ?

il faut une trame, un feutre et des post-it.

More ressources

Le livre de référence : Business Model Nouvelle Génération : Un guide pour visionnaires, révolutionnaires et challengers (le lien pointe sur amazon.fr )

Six épisode de courtes vidéos pour expliquer le chemin :

Episode 1 : le canevas : https://www.youtube.com/watch?v=wwShFsSFb-Y&t=13s (en anglais)

Episode 2 : Visualiser votre business modèle : https://www.youtube.com/watch?v=wlKP-BaC0jA (en anglais sous-titrés)

Episode 3 : Prototype : https://www.youtube.com/watch?v=iA5MVUNkSkM&t=26s (en anglais)

Episode 4 : Aller voir votre environnement : https://www.youtube.com/watch?v=7O36YBn9x_4&t=18s

Episode 5 : La preuve : https://www.youtube.com/watch?v=-2gd_vhNYT4&t=7s

Episode 6 : raconter votre histoire https://www.youtube.com/watch?v=SshglHDKQCc

 

Construire une image

L’heuristique est la suivante : pour qu’un groupe partage un diagnostic d’une situation rien de tel qu’il se construise une image visuelle schématisant ce diagnostic.

Comme beaucoup de pratique c’est parti d’un tâtonnement entre des modalités d’animation du partage de représentations de Vincent Lehnardt qui fait coller des post-its sur une feuille et une réflexion théorique plus riche des psychosociologues qui postulent qu’il faut faire travailler un groupe sur ses représentations. En pratique c’est assez difficile de faire travailler les gens sur leurs représentations uniquement en parlant. Cela leur demande un niveau de conscience personnelle plus élevée que la moyenne de celui que l’on rencontre en organisation.

Passer par une image permet de s’affranchir de cette difficulté. Cela peut prendre une forme très simple comme ce baromètre suivant les métarègles de la gestion de projet.

 

 

Où une évaluation plus complexe comme sur cette grille 7S

Dans les deux cas, ce qui prime c’est que l’équipe se fasse une image commune, mentale, de la situation.

Antifragilité : lorsqu’un problème est évoqué, le fait de l’externaliser sur une représentation graphique extérieure, sans utiliser de mots, renforce la capacité à le traiter.

Cette heuristique a pleins d’avantages :

  • Elle tourne tout le monde vers le tableau plutôt que les uns vers les autres, ce qui diminue la polarité,
  • Elle permet de parler de la couleur plutôt que se quereller sur le fond (« tiens tu es orange là-dessus ? »),
  • Elle utilise une image plutôt que des mots pour décrire une situation, diminuant ainsi les malentendus possibles,
  • Elle facilite la résolution des désaccords, une manière face Sud de résoudre les désaccords,
  • Elle permet de se mettre d’accord sur de quoi on parle à partir de mot différents : les trois « rouge » de l’analyse 7S ci-dessus venaient tous de la même cause racine, un manque de savoir-faire des équipes en place du fait du changement. Certains parlaient de la cause externe (système) d’autre de cause interne (staff). Arriver à ce qu’ils tombent d’accord fut un grand pas pour eux,
  • Elle permet de faire le diagnostic proprement dit « nous avons un problème au niveau de la responsabilité » sur le premier schéma,
  • Elle nous libère des mots comme l’explique très bien mon associé Christopher Bockmann dans l’article qu’il a écrit pour FUEL, la revue de La Boétie Partners.

Conversation convexe ou concave ?

Cette conversation est-elle concave ?

Vous pouvez vous demander à bon escient qu’est-ce qui se cache derrière ce vocabulaire mathématique. Malgré son côté un peu ésotérique, le concept est intéressant car directement lié à l’anti fragilité. Il vient directement de la formation que j’ai suivi avec Nassim Taleb. Je n’ai fait qu’appliquer sa manière de penser à mon métier, la conversation en organisation (si possible impliquant des dirigeants).

Pour mieux le comprendre commençons par une illustration simple. Les deux dessins que nous allons utiliser représentent les bénéfices de la conversation. Si la fonction est sous l’axe horizontal, la conversation crée des dégâts (harm en anglais). Si elle est au-dessus de l’axe, la conversation est positive, elle « ressource ».

Le graphe de gauche illustre par exemple une escalade entre deux personnes qui en ont gros sur le cœur. Celle de droite ressemble plus à un rendez-vous attendu chez son coach préféré !

Pourquoi concave ?

Plus que de vérifier si la conversation est positive ou négative il faut étudier comment elle évolue. En effet si j’ai une chose difficile à dire, je vais au début faire des dégâts, mais si on sort réconciliés alors cela aura valu le coup. La fonction de la conversation ressemblera alors à ça :

Sur cette représentation on voit que si la fonction démarre « négative » (la franchise douloureuse) elle va toujours en s’améliorant pour finir très positivement. Je vous épargne définitions et démonstrations mais en mathématiques on dit que si « elle s’améliore toujours » une fonction est convexe[1].

Si on ne regarde que le signe de la fonction (« est-ce que la conversation est douloureuse «  ) alors nous éviterons soigneusement de rentrer dans certaines conversations « franches et douloureuses » ce qui se révèle très, très contre-productif. Cela conduit à des accidents tragiques dans les avions comme je le décris ici, cela contredit les 3 lignes de conduite, cela va à l’encontre de toutes les métarègles mises en évidence par Christian Morel. . En bref ça craint.

Intérêt de la concavité par rapport à la négativité

Donc il faut pouvoir rentrer dans une discussion « négative » en cherchant à en sortir mieux que nous y sommes rentrés. C’est là que la question de la concavité rentre en jeu. « Est-ce que cette conversation est concave ? » revient à chercher à savoir si le mal augmente avec le temps où s’il diminue. Est-ce qu’au fur et à mesure de la conversation on « sent »[2] que les protagonistes avancent ? Pour mesurer cet avancement l’on peut se poser des questions du genre :

  • Est-ce que j’ai l’impression qu’ils sont de plus en plus sincères ?
  • Est-ce que celui qui reçoit la franchise accuse réception, semble en capacité de la recevoir, de faire quelque chose avec ce qu’on lui dit?
  • Est-ce que l’ambiance est de plus en plus électrique ou de plus en plus apaisée ?

Toutes ces questions sont utiles pour suivre la conversation. Car une bonne règle consiste à arrêter les conversations concaves car plus on les prolonge plus on fait de mal et on n’en sortira pas grandit.

Le retournement

Bien entendu il existe des conversations de cette forme :

C’est-à-dire qui se retournent à un moment, qui étaient concaves et deviennent convexes. Cela demande qu’au moins un des participants prenne conscience de quelque chose le concernant. L’exemple le plus simple c’est quand j’ai commis une erreur sans m’en rendre compte. En ce qui me concerne cela m’arrive quand je suis trop définitif dans mes jugements. Dans toute la première phase je vais défendre mon point de vue puis je prends conscience que j’ai merdé, et ensuite je deviens réceptif et la conversation devient rapidement positive.

Quel rapport avec l’anti fragilité ?

On voit assez bien que toute conversation convexe permet de ressortir mieux qu’on y rentre pourvu qu’on y reste suffisamment. Ces conversations sont donc antifragiles. Il existe même un théorème de Taleb-Douady (publié avec Raphaël Douady [3]) qui lie directement l’anti fragilité à la convexité. J’avoue qu’à l’heure d’aujourd’hui (septembre 2018) je ne comprends toujours pas la démonstration, en revanche je l’applique souvent et il marche aussi bien que le théorème de Thalès.

Comment mener une régulation antifragile ?

On voit assez bien la puissance du concept en détection, pour analyser une conversation. Mais quid de l’action ? comment mener une conversation qui soit antifragile  ? J’ai identifié 5 ingrédients qui permettent de contribuer à l’antifragilité d’une conversation difficile que je présente dans le post suivant : Régulation antifragile

 

[1] Techniquement on dit que sa dérivée seconde est positive. Pour ceux que cela intéresse voir l’article de Wikipédia très clair : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_convexe

[2] J’aimerais proposer une métrique plus mesurable mais je suis contraint de m’en remettre au feeling.

[3] https://arxiv.org/pdf/1208.1189.pdf

Régulation antifragile

A quoi sert une régulation ?

Comme sur le schéma cela sert à faire entrer dans un système une rétroaction. Cela sert à ce que deux personnes, ou plus, se disent des choses pas facile dans le but de les faire progresser sur des aspects comportementaux (pour l’émetteur) ou de résoudre un problème (pour le récepteur).

Par exemple quand je parle je peux être un peu définitif et cela blesse certains. Lorsqu’ils me le disent ils remettent dans « mon système » l’information que j’oublie naturellement de l’impact que j’ai quand je parle de mon métier. Cela m’aide à me réguler, à faire attention.

Qu’est-ce qu’une régulation antifragile ?

Assez simplement c’est une régulation dont tout le monde sort renforcé. C’est donc l’exact opposé d’un règlement de compte. Pour comprendre les notions évoquées je vais m’appuyer sur le concept de conversation concave.

  • Un règlement de compte c’est concave, plus le temps passe plus, si la personne n’entend pas j’augmente l’intensité de mes paroles, puis je laisse libre cours à mon ressentiment. Plus cela dure plus cela fait mal, comme représenté à gauche sur le schéma.
  • Une régulation antifragile reste convexe, douloureux (c’est-à-dire négatif) mais convexe (c’est-à-dire en amélioration) comme l’illustre la partie droite du schéma.

Comment mener une conversation « franche mais douloureuse » sans tomber dans la concavité ? il ne s‘agit pas uniquement d’être franc, de dire l’important, il s’agit que cela puisse être entendu.

Pour faire cela il existe de merveilleux process comme ceux de la CNV (Communication Non Violente) décrit ailleurs.

Comment faire si on est limité en termes de système émotionnel ?

Malheureusement ces processus demandent une certaine maitrise émotionnelle, pouvoir nommer ce que l’on ressent, écouter l’autre. En un mot ce sont des techniques de développement personnel qui malheureusement ne sont pas commune à tous les participants d’un projet en organisation. Donc comment faire ?

Au fil des tentatives, des échecs beaucoup, j’ai identifié 5 ingrédients qui permettent de rendre la régulation antifragile :

  1. Première chose à faire, chacun parle en JE, à partir de son point de vue, de ce qu’il perçoit, ressent, imagine. Ce principe est directement inspiré de la CNV.
  2. Seconde chose à faire, comme la CNV c’est très simple mais en pratique assez compliqué à réaliser sans entraînement, si je ne suis pas expert je peux simplement me contenter de ne parler que des conséquences des actes, pas des intentions. Dès que commence à parler des intentions des personnes non seulement j’ai un gros risque de me tromper, mais surtout je contribue à la concavité. En effet imaginons que j’ai vu juste et que j’ai identifié les mauvaises intentions de mon interlocuteur. Soit lui le sait et il va devoir accepter ce qu’il n’est pas facile. Soit beaucoup plus fréquent il ne va pas avoir conscience de ses mauvaises intentions. Je vais donc tenter de lui faire voir son ombre de force. Par expérience ce n’est pas une idée très convexe, c’est très face Nord, ce qui rejoint la théorie de Jung.
  3. Ensuite bien évidemment cela ne suffit pas. Pour l’instant j’ai un grief et je me suis contenu. Mais ce n’est pas suffisant, pour rendre la régulation convexe je dois être actif vers l’autre et cela de plusieurs manières. La première consiste à activement Chercher ses bonnes raisons. Cette ligne de conduite est bien décrite dans l’article bonne raisons. Lorsque je cherche les bonnes raisons de l’autre je me mets dans un état intérieur où j’accepte qu’il existe, qu’il en ait, des bonnes raisons. Je l’accueille. Maintenant c’est insuffisant. Pour que cet accueil soit efficace il faut qu’il le sente.
  4. Le 4ème ingrédient consiste à verbaliser cette recherche des bonnes raisons en reformulant ces bonnes raisons. Point n’est besoin de formuler le terme bonnes raisons, ce qui est important c’est que la formulation  montre bien que je considère positivement les motivations de mon interlocuteur. C’est cette recherche positive qui ma permettre à mon interlocuteur de faire baisser les barrières et donc d’entendre ce que j’ai à dire. C’est sans doute la clef de l’antifragilité.
  5. Dernier ingrédient, pour sortir totalement satisfait d’une telle régulation l’idéal c’est d’arriver à formuler une solution intégrative, c’est-à-dire qui intègre les deux points de vue exprimés.

 

In fine, je pense que c’est très très similaire à la CNV qui m’a beaucoup inspiré dans sa simplicité. La seule chose que j’apporte réellement c’est une certaine simplification pour éviter la difficulté que l’on rencontre en organisation de faire parler les gens de leurs émotions. Une sorte de CNV face Sud, moins puissante mais qui bien souvent suffit.

Analyse de processus

Objectifs généraux

  • Produire une description détaillée du processus complet.
  • En faire l’analyse des « frictions » ou des problèmes
  • Clarifier les responsabilités
  • Proposer des options de solutions

Ce diagnostic est réalisé en 4 étapes, généralement lors de 4 réunions successives réunissant un représentant de chaque partie du process analysé.

Etapes du travail

  1. Identifier Clients et acteurs
  2. Décrire les actions
  3. Identifier et hiérarchiser les frictions
  4.  Imaginer les solutions

A quoi ressemble le résultat final ? en sortie de réunion

Passage à la pratique : Clients et acteurs

1.Définir le processus

  • Première étape très importante faîte une fois pour toute (si en cours de description une autre définition apparaît, c’est qu’il y a deux processus différents).
  • Un processus commence par une action du client et finit pas une action pour le client

2.Qui est client ?

  • C’est la question fondamentale. En fonction des clients, le processus sera différent, les gens impliqués seront différents.

3.Qui sont les acteurs ?

  • La réponse à cette question détermine qui sera présent dans le groupe de travail.
  • Tous les acteurs doivent être listés, même ceux qui ne doivent être qu’informés dans le cours du processus.
  • Les acteurs internes seront séparés des acteurs externes
  • Méthodologie :
    • Pour démarrer, faire une liste exhaustive sur une feuille de paper-board.
    • Ensuite rassembler les acteurs communs pour avoir des niveaux homogènes
    • Ecrire les noms des acteurs sur des post-it
    • Pour plus de clarté dans la présentation les classer par ordre d’apparition dans le processus en conservant la séparation interne/externe.

Clients et acteurs

Passage à la pratique : les actions

3.Décrire les actions

  • Une action est réalisée par un ou plusieurs acteurs,
  • Elle a une entrée et un résultat,
  • Elle est formulé sous forme de phrase avec un verbe, aussi précisément que possible,
  • Des éléments de volumétrie complètent sa description
  • Par exemple dans le cas d’un processus de demande de congé, l’action : le salarié pose une demande de congé auprès du service du personnel peut être qualifiée par le nombre de demandes par an, le temps de traitement d’une demande….

Méthode pratique

En partant du client, se poser la question : « qui fait quoi maintenant ».

En fonction des réponses du groupe différents cas :

  • La description est simple => La compléter et passer à la suivante
  • Réponse mitigée : « ça dépend » :
    • investiguer.
    • Faire 2 cas si c’est pertinent, avec un arbre de choix, par exemple si cela dépend du positionnement choisi (accompagnement/équipe directe).
    • En cas d’arbre de choix, vérifier si le choix est toujours fait correctement.
    • vérifier si la réalisation de l’action dépend d’éléments non factuels (qui le fait par exemple, la fatigue…),
  • En fonction des réponses à ces questions vous avez peut-être diagnostiqué un problème. Le noter pour y revenir lors de l’étape suivante.
  • Si les personnes ne sont pas d’accord, c’est une information précieuse : c’est un problème, qui est donc source de progrès et de productivité. Le noter de la même manière.

Fin de la description des actions : rappel le processus commence par le client et finit par le client

Aperçu du résultat

Étape d’identification des problèmes : agenda du travail en sous-groupe

L’identification des problèmes rencontrés sur les processus décrits se fait en sous-groupe
(cf. composition des groupes). Dans la pratique on poursuivra le travail initié :

1.Revue du Processus

  • Passer en revue le processus décrit et les problèmes déjà identifiés

2.Identification des problèmes 

  1. Chaque participant a 4 post-it : un vert, un rouge et 2 de couleurs au choix
  2. Il choisit, seul, 4 endroits du processus sur lesquels mettre ses post-it. Un seul post-it par action. Sur le post-it il écrit une brève description de ce qui pour lui pose problème.
  3. En silence chacun pose ses post-it et les lits (les autres écoutent).
  4. Une fois ceci fait, une discussion sur la SYNTHESE a lieu

3.Description des problèmes

  1. Commencer par définir toutes les « zones problèmes », c’est-à-dire les zones du processus qui posent problèmes.
  2. Prendre « zone problème » par zone :
  • Détailler le processus autour du problème, préciser s’il a lieu dans tous les deals (levure/NH) et tous les positionnements
  • Formuler le problème sur une feuille de paper : qui est concerné, en quoi cela pose un problème à chacun, quelles sont les manifestations émotionnelles, quelles sont les conséquences mesurables d’un point de vue délai, coût, qualité, fréquence du problème,
  • Prendre le problème suivant et faire la même chose

4.Priorisation

  1. Classer une première fois les problèmes du plus dommageable (coût, qualité, délai et fréquence) au moins dommageable
  2. Prendre du recul en considérant si certains problèmes n’apparaissent pas plusieurs fois,
  3. Dans ce cas créer un nouveau problème en rassemblant plusieurs avec un ordre de priorité supérieur
  4. Reconsidérer la liste et mettre les problèmes par ordre de priorité

5.Bouclage de la réunion du sous-groupe

  1. Penser à la restitution, est-ce que la perspective d’en parler change quelque chose? Certains points sont-ils plus difficiles que d’autres à évoquer ?
  2. Si vous deviez résumer en quelques mots l’ambiance de travail dans votre sous-groupe que diriez-vous ?

Quelques éléments pour identifier les problèmes

Quelques aides pour identifier les problèmes

  • Un problème est un dysfonctionnement du processus,
  • Il se matérialise par un fonctionnement inadéquat vis-à-vis du client ou de l’efficacité,
    • Par exemple le client est mécontent ou l’action prend du temps, est inutile ou coûte cher,
  • Il se formule ainsi « dans tel cas, il arrive tel problème »,
    • Par exemple sur un processus de demande de congé : sur l’action l’acteur (RH) vérifie la demande, un des problèmes est qu’il y a beaucoup de demande mal remplie. La formulation du problème peut alors être: « dans 50% des cas les demandes sont illisibles »
  • Faire une formulation par problème,
  • La description du problème se fait sans penser à la solution.
    • Pour reprendre l’exemple, une formulation du type « les demandes ne peuvent pas être traités » (sous entendu parce que les personnes qui font les demandes écrivent trop mal) n’est pas aussi riche que « dans 50% des cas les demandes sont illisibles » ce qui n’est pas la même chose que « dans 30% des cas les demandes sont incomplètes ».
  • Pour les problèmes délicats, faire décrire le problème par un membre du groupe non partie prenante,
    • La description par les autres du problème qui se pose à un ou deux acteurs aide à sortir de la polémique.
  • La description doit être le plus factuelle possible, notamment sur la fréquence et les conséquences,
  • Cette description est fondamentale: un problème qui n’a pas de solutions est quasi systématiquement mal posé, donc mal décrit.

Aperçu du résultat

Fin de l’identification des problèmes

Étape de consolidation

En plénière

  1. Rappel des objectifs
  • Partager les analyses
  • Rappel des règles de parole et des hypothèses de travail
  • Présentation croisée du travail

2.Restitution

  1. Le premier groupe présente tout d’abord son processus de travail
  2. Puis décrit les problèmes identifiés. Questions de clarifications uniquement pas de débat.
  3. Le second groupe fait de même
  4. Discussion générale sur la SYNTHESE, les points communs et les différences entre les deals

3.Sélection des axes de travail

  1. Première sélection des axes de solutions apportés par la clarification des positionnements

Étape de recherche de solutions : agenda du travail en sous-groupe

La recherche de solutions aux problèmes décrits lors des travaux en sous-groupe se fait aussi en sous-groupe. Les sous-groupe sont choisit en fonction des thèmes des problèmes à traiter. Idéalement le groupe ne change pas.

1.Cadrage de la réunion :

  • Rappeler là où on est dans la démarche en général et la description des processus.
  • Définir si besoin les trois rôles d’animateur scribe et éventuellement consultant.
  • Rappel des objectifs c’est-à-dire des problèmes sur lesquels proposer une solution et du timing par l’animateur
  • Redonner les règles de paroles
  • Questions éventuelles

2.Remise dans le bain

  • Reprendre le processus mis à jour en plénière,
  • Lister les problèmes sélectionnés en plénière et donner au groupe à résoudre,

3.Identifier les causes des frictions (si besoin) :

4.Décrire le processus dans son intégralité dans les deux positionnements « équipe directe » et « accompagnant »

5.Bouclage

  1. Vérifier quels problèmes soulevés hier ces positionnement permettent de régler
  2. Sur chaque point clef, décrire les enjeux

Quelques éléments pour trouver des solutions

Identifier les causes des problèmes

  • Prendre un problème, vérifier sa formulation,
  • Identifier la cause : poser 5 fois la question « pourquoi »,
    • Exemple : toujours sur l’exemple de la demande de congé :
      1. Pourquoi les demandes de congés sont illisibles ?
        • Car elles sont écrites par des personnes qui écrivent mal
      2.  Pourquoi ces personnes écrivent mal ?
        • Parce qu’elles ne savent pas faire autrement (une réponse : parce qu’elles sont pressé donnerait un autre arbre
      3. Pourquoi doivent-elles écrire ?
        • Parce que la demande doit être manuscrite
      4. Pourquoi la demande doit être manuscrite ?
        • Pour que ce soit plus simple à traiter
      5. Pourquoi une demande manuscrite est plus simple à traiter (alors que 50% des demandes sont illisibles)
        • Parce qu’au moment où la demande a été conçue, c’était le plus simple.
        • Ensuite, la solution à explorer est de voir ce qui aujourd’hui est le plus simple
  • Vérifier si l’action est bien indispensable, et si l’acteur qui la réalise est le mieux placé pour le faire,
  • Puis décrire de quoi chacun à besoin
    • Exemple : l’employé d’une demande facile à remplir, la personne des RH des informations…
  • Une fois la cause identifiée de manière précise, passer à la recherche des solutions,

Explorer d’autres solutions

  • Pour les différents problèmes du processus, le groupe doit proposer des solutions.
  • La question à poser est :
    • Pour chacun de ces problèmes quelles sont vos recommandations de différentes façons (options de solution) de le résoudre ?
  • Ces solutions peuvent consister à :
    • Organiser le travail autrement,
    • Faire une demande d’outil,
    • Proposer d’autres ressources manquantes (personnes, moyens…),
  • Concernant l’organisation du travail une attention particulière doit être portée aux interfaces entre acteurs :
    • L’acteur en charge du processus a-t-il toute l’information nécessaire ?
    • Est-ce à lui de réaliser l’action ? A lui seul ?

Explorer des solutions

Pour explorer les solutions vous pouvez voir

  • S’il est possible de ne pas faire l’action,
  • Si le fait de faire faire l’action par un autre acteur ne serait pas plus efficace,
  • Si le fait de faire l’action plus tôt ou plus tard dans le processus ne serait pas plus efficace,
  • Si le fait de faire l’action ensemble (en réunion existante ou à créer) n’ évite pas des aller/retour ou des incompréhensions,
  • Si une seule coordination en amont ne peut pas régler plusieurs problèmes en même temps,
  • Si un outil ne peut pas éviter cette action
  • ….

Exemple de fiche solutions

  • Description de l’enjeu
    • Décrire le problème passé suivant le format vu précédemment
    • Décrire ce qui est en jeu dans le deal pour chacune des parties prenantes

    Demande de changement

    • Demander à ce qu’un de ces acteurs change quelque chose de précis et d’observable.
    • Décrire précisément l’acteur. Si cet acteur est une personne seule, à part le patron, alors la fiche n’a pas de raison d’être et il vaut mieux adresser le problème directement avec la personne.
    • Identifier clairement l’acteur et donner le sens du changement, le moment le plus adéquat pour avoir cette discussion…

    Proposition de contribution

    • Rédiger la contribution que l’on peut (préciser le « on ») apporter pour adresser l’enjeu

Aperçu du résultat

Une fois le travail terminé, si vous le souhaitez le résultat peut se mettre sous la forme de compte rendu suivant :

 

Jean-Claude Rouchy – ARIP – Psychosociologie

Psychanalyste et psychosocociologue Jean-Claude Rouchy m’a transmis l’approche psychosociologie à tendance analytique qui a développé au sein de l’ARIP et qui se rapproche de l’approche d’Eugène Henriquez. Rien que le nom de l’approche (psychosociologie à tendance analytique, branche freudienne) me faisait un peu peur au départ. Je n’ai jamais autant peiné sur un livre (sauf peut-être dans mes cours de probabilités avant de rencontrer Nassim Taleb), pourtant cette approche a compris des choses fondamentales sur l’approche du changement en organisation. Bien souvent rien que le vocabulaire employé fait fuir les dirigeants et une grande partie de mon travail a consisté à rendre intelligible leur approche. Ainsi le baromètre et d’autres techniques peuvent se voir comme des « procesussation » de leurs pratiques.

Je l’ai connu par l’intermédiaire de Fabrice Clément.

Les idées clefs que j’ai conservé dans ma pratique

Le livre clef de leur pratique s’appelle Institution et changement. D’autres publication sont carrément illisibles : je n’ai jamais dépassé l’analyse des 40 premières pages de son livre précédent. Mais Institution et changement fut clef pour ma compréhension car il présente plusieurs cas d’intervention et explicite bien ce qu’ils ont fait, leur pratique. J’en suis venu à la conclusion en les fréquentant qu’autant le cadre de référence théorique de la psychanalyse pouvait se discuter, ce que beaucoup font. Autant la pratique, dont on parle beaucoup moins, est-elle très robuste. Si Freud a tort sur les instances de l’inconscient, ses pratiques (heuristiques ?) de silence, d’analyste neutre, restent très très robuste.

De la même manière, même si cela fait un peu peur à certains, le processus parallèle n’est qu’une autre manière de voir le contre-transfert. Mais plutôt que de lancer une dissertation psychanalytique voici les concepts que j’ai conservé à partir de ce que j’en avais compris :

  1. Les représentations comme objet de travail. Longtemps j’ai peiné à comprendre ce qu’ils disaient par-là, puis j’ai compris et retrouvé cette idée notamment dans la session de l’école de Paris où Yves Clot relate l’expérience des ouvriers qui échangent sur la meilleure manière d’accomplir une tâche complexe. Les représentations sont la manière que j’ai de voir les choses. Au fil du temps j’ai acquis la conviction que dans l’organisation trois dimensions des représentations nous intéressent: la manière que j’ai de voir mon travail, les relations et le pouvoir. L’ARIP insiste beaucoup sur la nécessité d’aider à travailler sur les représentations et pas sur les livrables. Si la question du baromètre est bien choisie elle permet de faire cela directement, par exemple « comment je me sens dans mes responsabilités actuelles sur ce projet » permet de faire travailler naturellement les gens sur leurs représentations. Au contraire la question « quelles sont vos représentations de ce sujet » mène généralement à des discussions peu productives.
  2. Le Chainon manquant : le concept le plus clair dû à Jean-Claude Rouchy. Il dit qu’il existe un chaînon manquant dans le changement. Généralement dans les projets de changement on s’intéresse à l’organisation et aux personnes, or on oublie le chaînon manquant, le lieu de construction de la culture, l’équipe. Ce qu’explique très bien Jean-Claude Rouchy, c’est qu’un changement demande un changement de représentations car une manière d’organiser le travail correspond à certaines représentations du travail. Si je change le travail je dois faire évoluer les représentations. En cela il rejoint Mintzberg. Or je ne dois pas faire changer les représentations d’une seule personne car sinon elle se retrouvera avec sa propre conception du nouveau travail. Or pour coopérer il faut des représentations communes. Pour créer ces nouvelles représentations communes il y a un chaînon manquant : le groupe. C’est dans un groupe de travail que l’on crée de nouvelles représentations communes. En cela il rejoint les heuristiques managériales un peu simplistes (« faisons une réunion ») mais il s’en distingue car faire évoluer les représentations ne se fait pas naturellement, juste en parlant. Il faut choisir les sujets pour qu’ils permettent des échanges sur les représentations.
  3. La séquence émotions => représentations=>livrables. Ce travail sur les représentations ne peut se suffire à lui-même. Tout d’abord pour libérer l’accès aux représentations il faut purger les émotions, comme « ex-pression sortir la pression » comme disait Fabrice Clément. Ensuite parler des représentations, comment je vois les choses, puis ne pas en rester là, produire ensemble un livrable quelconque. Vous aurez sans doute reconnu la structure ternaire du baromètre.
  4. Le dispositif. Là, c’est plus compliqué à expliquer. L’ARIP plaide pour l’intervention par le dispositif qu’on pourrait traduire par choisir qui travaille avec qui sur quel sujet et dans quel enchaînement. Pour faire passer cette idée de dispositif prenons un exemple simple : dans un projet à stream multiples, certains leaders de stream n’avancent pas. Première option, classique, on appelle le chef pour qu’il les recadre. Une intervention par le dispositif va permettre aux leaders de se confronter aux conséquences de leurs actes, par exemple dans un COPIL spécial où chacun rend compte de ses avancées devant les autres. Ceux qui avancent moins se rendront compte par eux-mêmes de leur retard et le patron sera exempté de recadrage conservant ainsi son capital d’entraînement positif. Les consultants ne seront pas vu comme des espions dont il faut se méfier. C’est une intervention par le dispositif. Une autre trouvaille de l’ARIP c’est de voir que chacun met ses propres représentations dans le dispositif, ainsi dans l’exemple précédent j’aurais eu une tendance naturelle à recadrer directement les leaders. Or ce qui compte ce n’est pas mes préférences, mais la manière la plus appropriée à l’évolution souhaitée par le système. Toujours dans mon exemple l’équipe souhaitait augmenter sa responsabilisation, et la réponse par le dispositif maximisait cette responsabilisation.

J’ai été supervisé avec Fabrice Clément 4 ans par Jean-Claude Rouchy et j’ai collaboré à un article dans leur revue.

Ce que je n’achète pas

L’ARIP ne traite pas du tout du dirigeant, comme s’il était un père lointain, ou alors elle le traite comme un participant. Or le dirigeant est spécifique, ce n’est pas une personne comme les autres car c’est lui qui change les règles. Et il est comme tout le monde il doit faire évoluer ses représentations et a besoin d’un espace spécifique pour cela. Voire même parfois si on veut résoudre le problème il vaut mieux se concentrer sur lui plutôt que sur les collaborateurs car il peut avoir le pouvoir de faire disparaître ce qui fait souffrir les gens.

Et puis, quand ils écrivent, c’est trop compliqué, comme s’ils avaient peur de se faire taper sur les doigts par de tatillons gardiens du temple (ce que je soupçonne d’arriver assez fréquemment). Du coup les non-initiés ne comprennent rien, les DRH et les consultants fuient. Dommage.