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Tabou n°2 : La transfo ce n’est pas du changement

Comme toute culture celle de la transformation « fait silence » sur certains tabous « par crainte ou par pudeur ». Dans cette série nous nous proposons d’en découvrir sept présents dans beaucoup de projets. Pourquoi ? Parce que « rompre le silence » permet d’aborder les projets d’une manière plus efficace.

La manifestation

Aujourd’hui la transformation est omniprésente, dans toutes les communications, dans toutes les organisations, dans tous les discours. Le mot à la mode, semble utilisé à toutes les sauces, perdant ainsi peu à peu son sens spécifique. Quelques années plus tôt, les professionnels distinguaient l’accompagnement au changement de la transformation. Cette dernière se différenciait alors par son ampleur, sa profondeur, par la difficulté à définir précisément la situation cible. Aujourd’hui l’usage d’un même mot ne permet plus de distinguer la nuance qu’il y a entre conduire habilement un projet au résultat connu et explorer ensemble vers un but globalement clair mais dont les contours restent à définir.

Dans la définition que je reprends à la Harvard Business Review (voir plus bas), la transformation se distingue du changement par l’incertitude. Dans un changement il est possible d’expliquer aux gens comment ils vont travailler dans l’état final, quand le projet aura abouti. Dans une transformation, c’est impossible. Cette incertitude fait toute la difficulté d’un projet. Quand par exemple un cabinet de conseil comme le notre invente un nouveau métier, c’est de la transformation. Impossible d’expliquer précisément à quoi ressemblera notre métier quand nous l’aurons inventé, puisque sinon nous  l’aurions déjà inventé. A contrario lorsqu’un nouvel outil de partage de fichiers est mis en place, c’est sans doute du changement s’il est possible de décrire la manière de travailler qui sera appliquée à la fin du projet de manière simple et claire.

Un de mes clients a fait le chemin inverse : le mot transformation était tellement utilisé, qu’ils l’appliquent maintenant aux projets à objectifs précis, gardant le terme change en anglais pour désigner les projets aux résultats exploratoires ou incertains. Évitons les querelles de définition, ce qui compte c’est de bien différencier les deux types de projets.

Le tabou

La transformation ce n’est pas du changement.

Un exemple

En 2015 nous fûmes appelés par un nom prestigieux du Paris Corporate pour un projet de… déménagement. Nous considérant comme des professionnels innovants de la transformation j’étais un peu vexé de ce projet que je considérais comme indigne car trop simple. Changer de locaux me paraissait simple.

Chemin faisant nous nous rendîmes compte que l’enjeu du projet dépassait largement le fait de déplacer des meubles. Le patron souhaitait utiliser le changement de locaux pour changer la manière de travailler. Il souhaitait inventer une autre manière de collaborer. Il fallait donc inventer ensemble cette collaboration nouvelle. Je m’étais trompé, c’était bien un projet de transformation. Il était impossible de décrire aux gens comment on voulait qu’ils travaillent puisque personne ne le savait. C’était à eux de l’inventer. Nous explorions. Le projet concernait bien une transformation au sens défini plus haut. Aujourd’hui, en 2019, quand je vois dans ces locaux les gens collaborer, se comporter différemment d’il y a quelques années, je suis fier d’avoir aidé à cette véritable transformation.

Les bénéfices de regarder le tabou en face

Il existe sans doute beaucoup de raisons conscientes et inconscientes pour lesquelles nous gardons silence sur ce tabou. Les explorer nous prendrait beaucoup de temps sans nécessairement nous aider à sortir par le haut. Ce n’est pas l’objectif. Quel bénéfice pouvons-nous tirer à regarder ce tabou en face ? Comment devenir antifragile sur ce point.

Savoir si notre projet relève du changement ou de la transformation permet de changer la manière de l’aborder. Dans un projet à l’issue incertaine, les temps collectifs serviront majoritairement à co-construire, tâtonner, explorer ensemble. Dans cette optique, toutes les critiques enrichiront la compréhension de ce qu’il s’agit de faire. Sous réserve de s’être structuré de la bonne manière, le projet pourra profiter de tous ces obstacles pour se raffiner.

Dans un projet de changement au contraire, chercher à co-construire avec des collaborateurs « pour faire passer la pillule » alors que la direction du projet sait à quoi elle veut aboutir produira des effets déceptifs et entamera la confiance. Pour que le projet avance bien il vaudra mieux mettre l’énergie à clarifier les intentions, expliciter le sens du changement et décrire précisément la situation cible pour chaque population.

Chacun de ces deux types de projets demandent donc des techniques, des savoir-faire spécifiques, utiles dans les deux cas mais avec des priorités différentes. Si pratiquer les deux types de projets permet de s’aguerrir sur chacun de ces savoir-faire, se tromper de priorité peut s’avérer désastreux si par exemple cela conduit à faire participer des collaborateurs en mal d’explication ou  à expliquer doctement un état final indescriptible.

Pour aller plus loin

Pour creuser cette distinction je recommande l’article (en anglais) de la Harvard Business Review suivant : https://hbr.org/2015/01/we-still-dont-know-the-difference-between-change-and-transformation

Pour apprendre à utiliser les obstacles au profit du projet et rendre la transformaiton antifragile vous pouvez participer au prochain atelier « la transformation antifragile » : dates et inscriptions ici : http://www.latransfodanslapeau.com/formation/

Le canevas antifragile par principe

Pour l’avoir pratiqué depuis une quinzaine d’années, je prétends que par définition un canevas sur lequel les participants peuvent donner leur avis est antifragile. Nous pourrions résumer l’heuristique à la formule mathématique suivante :

Baromètre + Canevas = antifragile.

L’heuristique est la suivante : pour rendre antifragile un canevas il suffit de l’utiliser en équipe et de rendre visible les problèmes.

En français, si on prend un canevas visuel et qu’on demande aux participants d’y mettre leur feeling en couleur (via le baromètrebaromètre), nous obtiendrons une image globale de la représentation des participants. Comme cette image concrétise les différentes représentations, nous allons pouvoir voir les désaccords et ainsi en tirer profit en considérant qu’il y a autant d’énergie dans une convergence parfaite que dans une divergence. Quasiment systématiquement en creusant ce qui expliquait une divergence de point de vue sur un canevas les participants aboutissent à un accord sur un diagnostic plus fin du problème posé.

 

L’antifragilité vient du fait que les problèmes étant posés sur le canevas, nous allons pouvoir en profiter en cherchant à leur donner du sens, améliorant ainsi la pertinence du diagnostic.

How to

  1. Prendre un canevas visuel de taille suffisamment grande pour pouvoir y coller des post-it
  2. Demander aux participants d’évaluer les différentes dimensions en leur donnant un crédit pour les forcer à se positionner : 4 post-it, un positif, un négatif, pour 7 dimensions par exemple
  3. Faire une image grâce au canevas
  4. Etablir un diagnostic à partir de cette image

Cerise sur le gâteau : en sus d’un meilleur diagnostic vous gagnerez l’appropriation des conclusions par toutes les personnes participantes à l’analyse.

Pré-requis :

Tout le protocole se sert du Sens ici et peut se voir comme une extension massive du featuring.

Nous avons illustré le principe ici à l’aide du canevas des 7S mais nous aurions pu prendre n’importe quel autre canevas.

Analyse du fonctionnement d’une équipe

Diagnostic de fonctionnement d’équipe

Je vais donner ici le protocole le plus efficace pour utiliser le canevas du fonctionnement d’une équipe. Il existe d’autres manières de procéder plus appropriées par exemple dans le cadre d’un projet. Pour une équipe comme généralement les gens ont besoin de parler assez longuement de leur fonctionnement, je privilégie la version longue.

Nous nous basons sur le canevas suivant décrit abondamment dans l’article Canevas fonctionnement équipe :

Protocole précis

  1. Il faut avoir au préalable, sur une autre question, fait vivre un processus de baromètre car nous allons utiliser des baromètres à deux dimensions tout au long du protocole
  1. Pour commencer nous demandons à l’équipe « Comme évaluez-vous le fonctionnement de votre équipe : son efficacité sur une note de 1 (nul) à 10 (hyper efficace) et en couleur comment vous vous sentez personnellement dans le fonctionnement.
  2. Ensuite, dimension par dimension, nous reposons au gens la même question. Ils évaluent les 6 dimensions en une seule fois, à l’aide de 6 post-it différents sur lesquels ils notent la dimension et la note (pas leur nom).
  3. Ensuite la restitution a lieu dimension par dimension
    1. Chacun colle son post-it sur un tableau approprié (voir ci-dessous),
    2. Chacun explique en quelques mots sa position, sans interruption et sans débat,
    3. Une fois que tout le monde est passé on note la synthèse des avis sur le tableau de la dimension
    4. On passe à la dimension suivante
  4. On parcourt ainsi toutes les dimensions, puis on analyse l’image globale

L’étape 1 est fondamental car il y a beaucoup d’informations, 6 dimensions, une note une couleur, il faut donc y aller par étape.

L’étape 2 sert à calibrer l’énergie que l’on va mettre sur l’exercice. Si l’équipe est à 7 jaune, c’est-à-dire qu’elle est satisfaite de son fonctionnement, ce ne sera pas la même analyse qu’un 3 orange. Dans le premier cas on améliore à la marge, dans le second il y a un problème.

L’étape 3 doit se faire en un seul coup pour éviter les influences.

L’étape 4 peut-être assez longue, pour l’animateur la réponse à l’étape 2 sert à calibrer le temps de parole. Attention à ne pas passer trop de temps à optimiser une dimension à 7 jaune.

Dans l’analyse il faut partir des dimensions où il y a le plus d’inefficacité puis d’insatisfactions en privilégiant les zones de désaccords. Puis tenter de remonter des explications en remontant les dimensions.

Prendre 1 à 3 décisions maximum pour améliorer le fonctionnement. Les équipes désirent souvent un fonctionnement idéal irréaliste, nous devons les aider à rester sur des ambitions de changement atteignables et nécessaires.

Pré-requis :

Tout le protocole se sert du baromètre

Fonctionnement équipe

La question « aidez-nous à améliorer le fonctionnement de notre équipe » revient comme un classique de l’accompagnement d’équipe. Plusieurs manières de répondre à cette question existent comme faire un diagnostic externe, la repousser comme non pertinente ou proposer à l’équipe de faire son propre diagnostic. Pour cela l’équipe a intérêt à se construire une image commune de son fonctionnement afin de pouvoir partager sur le sujet.

Pour se construire cette image j’ai élaboré au fil des interventions un canevas à 6 dimensions. Initialement il vient de la gestion de projet et plus spécialement des travaux du club de Montréal sur le sujet. Si sa théorie et ses origines vous intéressent je les décris dans l’article ici.

J’ai beaucoup tourné sur ce canevas, je suis passé de 5 à 6 à 9 dimensions pour finalement revenir à ces 6 là.

Ces dimensions concernent l’équipe dans son entier, pas uniquement ses réunions. Elles sont classées dans un ordre descendant : si j’ai un problème dans une dimension, je peux aller chercher des racines, des sources, des origines dans un des dimensions du dessus. Par exemple si une équipe expérimente un chaos complet en réunion (dimension instances), cela peut être parce qu’elle n’a pas d’objectifs clairs ou de responsabilités clairement définies.

Les 6 dimensions

Voici une description succincte des 6 dimensions qui se comprennent généralement assez rapidement.

  1. Objectifs : Les objectifs que l’équipe poursuit à court et à moyen terme. Il ne s’agit pas de la vision, des objectifs longs termes, mais bien des objectifs courts et moyen terme car d’expérience ce sont ceux-là qui souvent crée des malentendus. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander : Sont-ils clairs ? Formalisés ? Partagés par tous ? Rappelés régulièrement ? Pertinents ? Régulièrement revus ?
  2. Responsabilités : la répartition des responsabilités au sein de l’équipe et autonomie pour les exercer. En clair c’est l’exercice réel des responsabilités par chacun, à la fois dans la définition et aussi dans la pratique. L’autonomie pour les exercer fonctionne dans les deux sens : souvent les membres d’une équipe se plaignent du manque d’autonomie qu’on leur laisse, mais souvent aussi les patrons se plaignent du manque d’autonomie prise par leurs équipes. Et parfois certaines équipes manquent de cadre, vivent une trop grande autonomie. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander La répartition des responsabilités entre nous est-elle claire, assumé et cohérente ? L’autonomie, la marge de manœuvre dont chacun dispose est-elle ajustée à ses responsabilités ?
  3. Instances : ce sont les différents formats de réunions qui rassemblent tout ou partie de l’équipe. Cela comprend le format (durée), la fréquence, les objectifs et la composition (membres) des réunions. Pour raffinier l’on peut se demander si les instances Sont adaptés ? Suivis ? Cohérents ? Parfois les équipes ont trop d’instances, d’autres fois elles en manquent alors certaines réunions servent à plusieurs choses. Les membres ne savent alors plus sur quel objectif se caler. Parfois les réunions s’éternisent, sont trop longues, d’autres fois, surtout pour des réunions stratégiques, l’on manque toujours de temps.
  4. Méthodes : cette dimension prête souvent à confusion, il s’agit de la manière dont nous abordons un sujet, une question, un problème, une décision. C’est le pur processus au sens de Lehnardt (voir ici). Pour mieux cerner la dimension il est très utile de se demander : Existe-t-il une ou des méthodes pour traiter des différents sujets ? Sont-elles implicites ou explicites ? Sont-elles suivies ? La plupart des équipes que je rencontre appliquent des méthodes de travail implicitement et donc parfois les méthodes utilisées ne sont pas adaptées au sujet. D’autres fois tout le monde n’a pas compris ce que l’on était en train de faire. D’autres fois enfin le patron propose des méthodes qu’il ne respecte pas lui-même, invalidant ainsi toute discipline.
  5. Climat: Idem, cette dimension prête souvent à confusion. Il s’agit du climat relationnel des échanges. Ce climat peut varier d’autant que chaque culture d’entreprise, chaque équipe, chaque personne peut avoir des préférences différentes de climat relationnel. Pour bien évaluer le climat il est fondamental de se poser les questions suivantes : le climat relationnel est-il suffisamment bon pour que les échanges soient productifs ? En particulier est-il possible de parler vrai lorsqu’il faut aborder un problème ? Ce parler vrai nécessite-t-il un groupe restreint ? j’insiste beaucoup sur le parler vrai, cher au CEE, car il apparaît fondamental dans la performance d’une équipe bien plus que le climat de confiance ou de bienveillance. L’équipe la plus performante que j’ai connu était relationnellement très dure à vivre, mais tout ce qui était important à la réussite du business se disait.
  6. Livrables : cette dimension est très simple. Il s’agit de Ce que les réunions produisent, que ce soit des décisions, des plans d’actions, de l’échange, de l’alignement ou rien. Pour la santé de l’équipe à long terme il faut que les réunions servent à quelque chose. L’on peut donc se poser des questions du type : Nos réunions sont-elles productives ? En termes de décisions ? D’échanges ? Existe-t-il des comptes-rendus ? Sont-ils utilisés ? Lorsque les livrables pêchent très très souvent la cause vient de plus « haut » dans la liste.

Attention : un comité de direction est souvent attendu pour être un lieu de décision alors que les décisions appartiennent par la voie légale au seul dirigeant. Parfois ce sont des lieux d’informations, d’enrichissement, de débats pour instruction. Les livrables attendus ne sont pas des évidences.

Les deux premières dimensions sont de l’ordre du « sens », les deux suivantes du « comment » et les deux dernières du « quoi ».

Ce canevas se prête à plusieurs protocoles de discussions collectives.

Baromètre à deux dimensions

Un des outils d’alignement les plus utiles que je connaisse s’appelle le baromètre à 2 dimensions. Pour l’utiliser il faut s’être bien frotté au baromètre « simple ». C’est une règle absolue de faire faire à l’équipe un baromètre simple avant de lui faire faire un baromètre à 2 dimensions, sinon la confusion régnera.

Il faut poser une seule question à deux dimensions, une dimension « tête » (voir les 3 centres) qui fait réfléchir et qui sera évaluée par une note de 1 à 10, et une dimension plus intuitive qui sera évaluée par une couleur. L’objectif poursuivi consiste à aider les gens à distinguer ce qu’ils pensent de ce qu’ils sentent. Pour cela il est fondamental que ce soit une même question à deux dimensions, et pas une question par dimension, sinon nous perdrons tout pouvoir déconfusionnant.

– Par exemple je peux être d’accord dans ma tête avec une décision mais ne pas avoir envie de l’appliquer. Donc je vais m’opposer à la décision, mais mon patron ne saura pas pourquoi, il pensera généralement que je suis contre. Distinguer ces deux dimensions aidera à avoir la conversation résolutoire.
– Dans le sens inverse je peux choisir (couleur) d’appliquer une décision à laquelle je ne crois pas (disons 2/10). Bizarrement alors la mise en œuvre sera lente, voire toujours reportée.

Ce qu’il est très important de comprendre, c’est que bien souvent une personne ne sait pas ce qui coince quand elle coince. Elle se pose rarement la question de savoir si c’est sa tête ou ses tripes. Donc en lui posant la question je vais l’aider à s’aligner avec elle-même. Puis lorsque la conversation aura lieue avec tout le groupe, chacun pouvant partager sa représentation, le groupe pourra s’aligner sur ce qui est accord et ce qui est réellement désaccord.

L’heuristique est la suivante : pour tenir une discussion d’alignement sur un sujet de désaccord, faire un baromètre à deux dimensions. Cela aidera les personnes comme le groupe à s’aligner.

Protocole

  1. Faire faire un baromètre simple sur une question connexe
  2. Expliquer le principe des deux dimensions
  3. Expliciter la question
  4. Faire écrire aux participants leur note sur un post-it de couleur de leur feeling
  5. Une fois que tout le monde a écrit, chacun vient coller en commentant ou non au choix de l’animateur, son évaluation. Pas de commentaires ni de débat, uniquement des questions de clarification
  6. Quand tout le monde est passé expliciter les règles de l’analyse
  7. Initier l’analyse par le groupe puis la compléter par l’animateur

Exemple

Par exemple, comme sur la photo ci-dessus, je pose la question « Comment évaluez-vous notre climat de coopération : son efficacité sur une échelle de 1 à 10 et votre feeling en couleur » ?

– Chacun pourra ainsi se déterminer, je peux être orange car les échanges sont rugueux, mais on est efficace donc je mets 9. Ce serait le cas dans une équipe où les gens doivent coopérer à partir de positions antinomiques comme la production et les commerciaux. A l’inverse je suis vert, c’est OK pour moi, mais on n’arrive à rien parce qu’on évite soigneusement les sujets qui fâchent
– L’équipe en se positionnant donnera une image de son alignement autour de la question. Sur la photo nous voyons qu’il y a deux groupes à l’évaluation différente. En discutant l’équipe pourra mieux comprendre les besoins de chacun et quoi faire pour s’améliorer, sans jamais avoir besoin de passer par une phase trop « personnelle ».

L’antifragilité vient du fait que en mettant en évidences les problèmes au bon niveau nous pourrons plus facilement trouver une solution. L’heuristique aide à passer d’une vision personnalisée à une vision plus objective, donc résolutoire.

Interprétation

  1. Pour interpréter les deux dimensions il faut éviter soigneusement de vouloir que les gens soient d’accord, mais au contraire bien chercher à comprendre leurs points de vue
  2. Pour analyser un baromètre on cherche à comprendre l’énergie du groupe. Celle-ci se mesure de trois manières :
    1. La disposition des post-it : est-elle étalée, concentrée ? Existe-t-il des points d’accumulation ?
    2. La convergence des expressions montre une énergie cohésive, qui si elle n’est pas feinte constitue une force puissance, que ce soit en positif ou en négatif
    3. La divergence des expressions demande généralement à être approfondie car elle est souvent le signe d’une tension entre deux pôles, deux manières de voir, souvent toutes deux vraies (chasse aux bonnes raisons).

 

Pré-requis :

Tout le protocole s’appuie sur le baromètre

 

Processus parallèle

Le concept du processus parallèle

Ma première rencontre avec ce concept étrange se fit par l’intermédiaire de Vincent Lenhardt dans une présentation qui ressemblait à celle-ci :

 

L’heuristique est la suivante : lorsqu’un problème arrive dans l’équipe d’intervention, cherchons à comprendre en quoi les sentiments éprouvés font miroir de ceux qui se déroulent chez le client.

Au début je le trouvais un peu perché le Vinvin avec son concept théorique voire ésotérique. Chemin faisant je me rendis compte que cela fonctionnait, que d’ailleurs Freud en avait parlé le premier avec son concept de contre-transfert. Plonger dans la définition technique sur wikipedia du concept de contre-transfert peu s’avérer un peu angoissant, en revanche vous trouverez ici une description plus légère du concept.

Ce qui est très intéressant avec ce concept c’est que c’est un des rares concepts qui mettent tout le monde d’accord autant en coaching à la Lenhardt, qu’en systémie (chez Alain Cardon par exemple) que chez les psychosociologues, évidemment comme mentionné plus haut chez les psychanalystes classiques. C’est assez rare pour être noté.

Pour être plus précis, toutes les branches de la psychologie et du coaching sont d’accord sur le principe du fait que, comme en physique quantique, l’observateur est impacté par la mesure. Mais d’où cela vient-il ? Que se passe-t-il en détail ? Personne n’est d’accord sur les détails.

Pour moi, ce processus vient de nos neurones miroirs qui sont naturellement mal calibrés. Pour comprendre le concept le plus simple consiste à regarder cette superbe vidéo d’un des plus grand pédagogue en neurosciences que je connaisse.

Quel usage en transfo ?

Antifragilité : Par nature la recherche du processus parallèle est antifragile car elle part de nos problèmes en tant qu’équipe et en leur trouvant un sens chez le client, nous ressortons de leur analyse plus fort, avec moins de culpabilité et avec des choses à faire !

Bon mais un coaching n’est pas une thérapie, ni une analyse et une transformation encore moins donc que vient donc faire ici ce concept un peu psy ? Il s’avère que dans les différents projets où j’ai pu intervenir en cherchant la position basse, certains phénomènes étranges se passaient dans notre équipe (pas uniquement chez moi), et que ce qui nous arrivait était très très similaire à ce que vivait notre équipe cliente.

Prenons un exemple:

Sur un projet assez chahuté où j’étais leader un des coachs de l’équipe n’osait pas trop parler. Après quelques temps et comme nous avions une relation longue et confiante il osa m’avouer que je lui faisais peur. Il avait peur d’être incompétent sur ce projet que j’avais l’air de maitrisé parfaitement (ce qui était une illusion complète mais là n’est pas le sujet). Parallèlement le COMEX de cette joyeuse organisation en mutation rencontrait quelques difficultés relationnelles qui polluaient ses réunions et ralentissaient les décisions. A partir de l’expression de chacun lors d’un baromètre j’ai pu introduire l’hypothèse de la peur de l’incompétence. Plusieurs membres de l’équipe de direction avouèrent cette crainte de donner les mauvaises nouvelles car ils avaient peur d’être traité d’incompétent par le patron. Un peu comme mon coach ils n’avaient pas tout à fait tort (j’avoue avoir beaucoup de mal avec l’incompétence, exactement comme le patron avait du mal) mais un peu quand même (dans la situation très tendue je ne considérais pas du tout que ne pas savoir était de l’incompétence tout comme lui). Cette détection du processus parallèle fut un réel soulagement pour l’équipe, et en plus j’apparus assez momentanément comme un magicien, ce qui ne fut pas pour me déplaire.

Racines scientifiques du processus parallèle ?

Personnellement j’émets la théorie (en attente de réfutation) que le processus parallèle vient de nos neurones miroirs (voir sur Wikipédia).

Ce concept légèrement controversé, a été découvert par deux chercheurs italiens Giacomo Rizzolatti et Corado Sinigaglia et il postule que les mêmes zones de notre cerveau sont activées quand il nous arrive quelque chose et lorsque nous voyons la même chose arriver à un autre. Ainsi quand je vois une chute de vélo « j’ai mal pour lui » parce que les mêmes zones de mon cerveau s’activent que si j’étais réellement tombé. Ce serait la source de l’empathie.

Ce concept est contesté par certains qui disent ne pas « voir » les neurones miroirs. D’autres très sérieux également basent leur pratique uniquement là-dessus (voir le très intéressant Troisième Cerveau de Jean-Michel Ourghoulian.

 

Quoiqu’il en soit de la théorie, je constate de manière répété que la pratique fonctionne à tous les coups. Ce phénomène constitue même la base de plusieurs pratiques de supervision. Très employé dans le monde des coachs à titre individuel il est alors très similaire au contre-transfert). L’appliqué dans une équipe c’est un peu plus délicat, mais donne de très très bons résultats. En résumé, c’est une bonne heuristique avec un très fort pouvoir  d’antifragilité.

Alain Cardon – Coaching d’équipe

Coach d’équipe depuis des temps immémoriaux l’inusable Alain Cardon (son profil LinkedIn, son riche site web)  a développé un cadre de référence systémique d’intervention très efficace dans l’accompagnement d’équipe. Auteur prolifique il a dû écrire une quinzaine de livres. Mes deux préférés sont « Coaching d’équipe » dans lequel il explicite les principales euristiques d’accompagnement et les liens entre les interactions des équipes et la culture des organisations. L’autre livre clef est pour moi « L’art véritable du maître coach» où la sagesse du vieux coach transpire à chaque page. Cette sagesse est nécessaire pour se taire en laissant l’espace au client. Il décrit très bien l’impact de la « simple » présence, transformante en elle-même et qui se révèle plus facile à dire qu’à faire.

Je l’ai connu par l’intermédiaire de Vincent Lehnardt.

Sa vision du coaching

Les idées clefs que j’ai conservées dans ma pratique

Son génie repose plus dans des heuristiques qu’une grande théorie explicative, ou plutôt sa théorie systémique est à des années lumières de l’approche analytique : dans ses supervisions toute interprétation est interdite, ce qui fait gagner un temps précieux !

Ces idées que je vais lister imparfaitement ici sont bien décrites sur son site web www.metasysteme.fr :

  1. Quatre cultures d’équipe : faisant un pont très brillant entre Hersey&Blanchard (les styles de management), les drivers de PCM (sois fort, sois parfait, fais plaisir, fais effort) et la nature des interactions (top-down, étoile, politique, chaotique) Alain définit 4 grandes cultures d’équipes. L’avantage de son modèle complet c’est qu’il fournit beaucoup de repères pour accompagner les équipes : une hypothèse sur leurs besoins et surtout, surtout, la posture que doit adopter le coach pour bien accompagner chaque type d’équipe. Je l’utilise très souvent comme outil d’autopositionnement d’équipe.
  2. Les rôles délégués ; un outil de croissance dans une équipe. Il a décomposé les différents rôles que tient la personne qui anime une réunion (généralement le patron) comme tenir le temps, distribuer la parole… et il propose de déléguer chacun des rôles à une personne différente. Pour l’avoir expérimenté ce processus, un peu est un peu déconcertant au départ car par exemple il faut tenir deux rôles simultanément : participer et tenir le temps par exemple. A l’usage cette simultanéité permet de se « décoller » du contenu, de prendre plus facilement une posture méta. Cela demande un peu de discipline, comme la salle de sport, mais avec les mêmes résultats : si je pratique souvent, cela devient plus facile, puis cela reste durablement facile.
  3. L’holomorphie systémique (mes termes) : on retrouve le même pattern à tous les niveaux (organisation, équipe, patron) qui se traduit dans la nature des interactions entre les personnes, les services et dans la manière de parler. Cette notion est très proche du processus parallèle puisque cela se retrouve aussi chez le coach qui est peu à peu « contaminé » par le système. Il a peu explicité dans sa partie interne (ce qui se passe chez moi comme reflet du système) mais ce processus parallèle reste très utilisé en supervision.Avec un peu de pratique il devient possible de détecter très rapidement le pattern de l’équipe
  4. Une des idées clefs d’Alain repose sur la pratique. Il comparait souvent la supervision à une salle de sport, où la pratique répétée apporte une certaine agilité.

Ce que je n’achète pas

Alain répète souvent qu’il ne faut pas expliquer, que cela ne sert à rien. Je crois maintenant que c’est une réaction de pur « instinctif » (voir la définition ici)  et que ce n’est pas valable pour tous les clients. J’ai eu pleins de clients qui ne font rien s’ils ne comprennent pas. Et je ne vais tenter de faire muter un instinctif en mental, je n’ai pas ce pouvoir (je me demande si quelqu’un l’a).

Les 2 modes d’animation d’un diagnostic

Il existe deux manières bien distinctes de réaliser un diagnostic collectif :

  1. Utiliser un protocole éprouvé et ne pas en dévier
  2. Adapter le protocole d’animation à la situation et à ce qui émerge.

 

La première manière peut se qualifier de scientifique car il s’agit selon les mots d’Alain Cardon de ne pas varier le protocole pour observer les écarts chez les clients. En ce sens elle permet de répondre aux habituelles questions « comment sommes-nous para rapport aux autres ». Elle permet de se libérer l’esprit du protocole pour se consacrer à être présent à ceux qui sont là et ce qui se passe. Elle est également idéale pour les débutants sous réserve qu’ils ne cherchent pas à innover avant de maîtriser.

 

La seconde permet de choisir les modalités adaptées à l’émergence et à la dynamique en présence.  En revanche elle demande de maîtriser réellement une large gamme de technique pour pouvoir choisir les modalités réellement adaptées à la situation et pas à notre envie ou mode du moment. En ce sens elle demande un détachement aussi profond que la maîtrise technique. c’est une manière un peu épuisante si on veut rester attentif au contenu de ce que les gens disent et c’est un objectif quasi impossible si le consultant est seul. A deux, roder aux techniques, il est possible qu’un reste en recul et que l’autre sois présent au contenu. Dans cette configuration la richesse et l’énergie dégagée sont énormes car la souplesse permet de saisir les signaux faibles et l’adaptation permanente et maîtrisée crée un climat où les participants se sentent l’objet d’attention très sensibles.  Je n’ai jamais assisté à une réunion importante où l’adaptation était pratiquée qui ne débouche pas sur des feed-backs émus quant à la souplesse d’animation.

On voit bien sur le dessin que la première consume moins d’énergie à l’animateur (sauf s’il en a besoin pour se discipliner) et plus au client.